Pneumologie
Tréprostinil inhalé dans l’hypertension pulmonaire de la BPCO : une porte définitivement fermée ?
La balance bénéfices-risques est en défaveur du tréprostinil inhalé dans le traitement de l’hypertension pulmonaire associée à la BPCO. Il serait même délétère. L’hypertension pulmonaire des maladies réparatoires ne sont pas uniformes mais y-a-t’il un traitement pour l'hypertension pulmonaire associée à la BPCO ? D’après un entretien avec David MONTANI
Une étude, dont les résultats sont parus en juillet 2024, dans l’European Respiratory Journal, accompagnée de son éditorial co-signé par Marc HUMBERT, paru également dans l’European Respiratory Journal, a cherché à démontrer l’efficacité du Tréprostinil inhalé sur l’hypertension pulmonaire associée à la BPCO. Il s’agit d’un essai multicentrique randomisé, nommé PERFECT, en double aveugle, Tréprostinil versus placebo, sur 12 semaines, ayant inclus 76 patients seulement, l’essai ayant été précocement arrêté par le DSMB (Data Safety Monitoring Board). Les patients inclus avaient tous une BPCO, avec une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) supérieure ou égale à 30 mmHg et des résistances vasculaires pulmonaires supérieures à 4 UW. Le critère d'évaluation principal de l'efficacité était la modification de la distance parcourue lors du test de marche de 6 minutes à la fin des 12 semaines.
Des résultats positifs sur l’HTP des pathologies interstitielles
Le professeur David MONTANI, du service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, Centre de Référence de l'Hypertension Pulmonaire (Pulmotension) et du Centre constitutif des maladies pulmonaires rares (OrphaLung), de l’Hôpital de Bicêtre, explique que les hypertensions pulmonaires (HTP) associées aux maladies respiratoires (HTP du groupe 3), ne bénéficient que de très peu d’options thérapeutiques et ne font que rarement l’objet d’essais cliniques. Il s’agit d’une pathologie de mauvais pronostic, en manque de thérapeutique efficace. Il se félicite donc de l’initiative du développement d’essais randomisés ciblés sur les hypertensions pulmonaires associées aux pathologies respiratoires. Il rappelle les résultats positifs de l’étude INCREASE. Celle-ci a démontré que le tréprostinil inhalé améliorait significativement du test de marche de 6-minutes chez les patients présentant une HTP associées aux pneumopathies interstitielles chroniques.. David MONTANI précise donc qu’il existait un rationnel fort pour tester le tréprostinil inhalé dans un essais randomisé, avec le même design, dans l’HTP associée à la BPCO. Il souligne qu’il s’agit d’une HTP avec un pronostic réservé en particulier quand l’HTP est sévère. Aucun essai randomisé n’a montré un bénéfice des autres traitements dans cette indication. A la surprise générale, cet essai, nommé PERFECT, a été arrêté prématurément, après avoir inclus 76 patients, par le DSMB, en raison du nombre élevé d’effets indésirables graves dans le groupe traité par tréprostinil, significativement supérieur à celui observé dans le groupe placebo. De plus, il n’y avait pas d’amélioration clinique et un doute sur un surcroît de mortalité.
Le tréprostinil semble donc délétère dans l’HTP associée à la BPCO
David MONTANI explique que les HTP associées aux maladies respiratoires chroniques ne forment pas une entité unique, et qu’elles ont des mécanismes communs mais aussi des spécificités propres à chaque maladie respiratoire. L’utilisation des prostacyclines inhalées au cours de l’HTP de la BPCO n’est donc pas sûre. L’interruption prématurée de cet essai randomisé ferme probablement définitivement une porte thérapeutique pour ces patients. Cela souligne d’avoir d’autres essais pour cette forme d’HTP qui reste actuellement orpheline de thérapeutique. David MONTANI rappelle que deux essais sont en cours, l’un utilisant un stimulateur de la guanylate cyclase sous forme inhalée et l’autre, français, étudiant le tadalafil versus placebo. Les attentes de ces essais sont donc encore plus importantes maintenant. Il conclut que cela souligne que le traitement de ces formes d’HTP est complexe et qu’il est essentiel de s’assurer d’un rapport bénéfice/risque acceptable, comme le signifiaient les auteurs de l’éditorial : « Primum non nocere, secundum cavere, tertium sanare ».
En conclusion, cette étude ferme probablement définitivement la porte au Tréprostinil inhalé comme traitement de l’hypertension pulmonaire associée à la BPCO. Actuellement, il n’existe pas de médicaments approuvés dans cette indication. Les essais en cours apporteront peut-être des réponses.