Neurologie
AVC à la phase aiguë : pas de bénéfice à la réduction systématique de la pression artérielle
Dans un essai randomisé bien mené, il apparaît que la baisse très précoce et intense de la pression artérielle à la phase aiguë pourrait n’être bénéfique que dans les AVC en rapport avec une hémorragie intra-cérébrale.
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Depuis 2008, les chercheurs impliqués dans l'essai INTERACT (Intensive Blood Pressure Reduction in Acute Cerebral Hemorrhage Trial) s'efforcent de remplacer les avis d’experts par des preuves scientifiques dans le traitement de l'hypertension chez les patients souffrant d’une hémorragie intracérébrale spontanée, diagnostiquée par tomodensitométrie cérébrale (CT).
Leur dernier essai, INTERACT4, dont les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine, porte sur la réduction de la pression artérielle dès la période préhospitalière d’un AVC aigu. Les patients adultes avec une suspicion d'AVC aigu, en raison d’une parésie du bras ou d’un déficit moteur sévère, étaient éligibles si leur pression artérielle systolique était de 150 mm Hg ou plus et si le traitement pouvait débuter dans les deux heures suivant l'apparition des symptômes.
Absence de bénéfice global à la réduction de PA
L'intervention consistait en une réduction de la pression artérielle systolique à 130-140 mm Hg dès l’arrivée du véhicule de secour. Dans le groupe traitement standard, l'hypertension était traitée dans l'ambulance seulement si la pression systolique atteignait 220 mm Hg ou plus, ou si la pression diastolique atteignait 110 mm Hg ou plus. Le critère primaire était le score sur l'échelle de Rankin modifiée à 90 jours.
L'organisation et la réalisation de ce vaste essai de traitement préhospitalier de la pression artérielle sont impressionnantes, mais les résultats ne montrent aucun bénéfice de la réduction très précoce de la pression artérielle sur l’ensemble de la population des patients ayant un AVC aigu.
Une analyse en sous-groupe plus intéressante
Un problème majeur lié à l'inclusion des patients avant toute imagerie est que la cause de l'AVC, hémorragie ou ischémie, reste inconnue lors de la randomisation du traitement. Dans cet essai, le nombre de patients diagnostiqué a postériori comme ayant une hémorragie intracérébrale est approximativement égal à celui des patients ayant un AVC ischémique aigu.
Une analyse en sous-groupes révèle que les patients diagnostiqués a postériori comme ayant une hémorragie intracérébrale ont moins de risque d'avoir un mauvais résultat fonctionnel dans le groupe « réduction précoce et large de la pression artérielle » (OR commun, 0,75 ; IC à 95 %, 0,60 à 0,92) par rapport au « traitement habituel », tandis que ceux diagnostiqués avec un AVC ischémique aigu ont un risque plus élevé d'un mauvais résultat dans le groupe « réduction précoce et large de la pression artérielle » (OR commun, 1,30 ; IC à 95 %, 1,06 à 1,60).
Deux populations distinctes d’AVC
Ces résultats sont cohérents, d’après un éditorial associé, car les cibles de pression artérielle idéales sont spécifiques à chaque type de cause d’AVC. Les recommandations actuelles varient, en effet, en fonction du mécanisme de l'AVC et de l'intervention prévue. Dans le cas de l'hémorragie intracérébrale, le traitement antihypertenseur vise à limiter la croissance de l'hématome. Pour les AVC ischémiques aigus, des cibles de pression artérielle moins restrictives sont recommandées, avec l'hypothèse que l'autorégulation vasculaire cérébrale de la pression améliore le flux sanguin vers les tissus ischémiques.
Par conséquent, l'étude des patients présentant deux types d'AVC étiologiques distincts (hémorragie intracérébrale vs AVC ischémique aigu) présente des défis et des limitations pour la généralisation des résultats.
La nécessité d’un diagnostic précoce
Plusieurs aspects de cet essai limitent cependant la généralisation des résultats à d'autres populations. La quasi-totalité des patients (ethnie Han chinoise) ont été traités avec l'urapidil, un bloqueur des récepteurs α1, non utilisé en occident. La répartition égale de patients ayant une hémorragie intracérébrale et un AVC ischémique aigu est par aoilleur inhabituelle, même dans une population chinoise.
Dans une population occidentale, où le ratio entre hémorragies intracérébrales et AVC ischémiques aigus est d'environ 20:80, une réduction agressive de la pression artérielle, sans connaissance préalable du type d’AVC, pourrait faire plus de mal de bien, si les estimations de l'analyse en sous-groupes sont valides.
Les résultats de l’essai INTERACT4 soulignent donc la nécessité d’un diagnostic précoce et précis du type d’AVC aigu pour son traitement efficace à la phase aiguë. Les unités mobiles d'AVC équipées de scanners représentent une avancée potentielle, permettant une prise de décision accélérée concernant les traitements spécifiques et une adaptation plus ciblée de la pression artérielle. Les traitements antihypertenseurs et thrombolytiques précoces peuvent avoir un effet significatif, mais seulement s'ils reposent sur des diagnostics précoces et précis.