Avis du comité de pharmacovigilance
Motilium : l’Europe veut restreindre son utilisation
Le comité de pharmacovigilance de l’agence européenne préconise de réduire les doses actuelles autorisées et de ne plus prescrire le Motilium pour les brûlures d’estomac ou les ballonnements.
Le Motilium ne devrait pas être retiré du marché, c’est en tout cas la conclusion du comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne du médicament qui vient d’être rendue publique ce vendredi. Alors que la réévaluation de la balance bénéfices/risques du Motilium a été engagée depuis près d’un an, le PRAC conseille donc au final de maintenir sur le marché les médicaments contenant de la dompéridone, même s’il préconise une utilisation restreinte de ces traitements contre les nausées et les vomissements commercialisés depuis 1980. Alors que la revue indépendante Prescrire avait déclenché le mois dernier une polémique en appelant au retrait de ce médicament en raison d’une augmentation du risque de mort subite, le PRAC a finalement rendu un avis beaucoup moins tranché.
Pas plus d’1 semaine et réduire la dose orale à 30mg par jour
Après un examen des données disponibles, cette commission a donc recommandé d’une part que le Motilium soit uniquement réservé au traitement des nausées et des vomissements et plus dans le soulagement d’autres troubles gastriques comme les brûlures d’estomac et les ballonnements. D’autre part, selon ces experts, ce médicament ne doit pas être absorbé au delà d’une semaine et les personnes souffrant de problèmes hépatiques ou de troubles du rythme cardiaque ne doivent pas en absorber. Enfin, pour préserver la sécurité des patients, le PRAC considère également que les posologies du Motilium doivent être revues. Ainsi la dose recommandée par voie orale devrait être diminuée à 10mg au maximum trois fois par jour et à deux suppositoires de 30mg maximum par jour chez l’adulte ou l’adolescent de plus de 35kg. Chez l’enfant, dans les quelques pays qui l’autorisent, ces spécialistes recommandent que la dose soit de 0,25 mg par kilo jusqu’à trois fois par jour par voie orale, en revanche les données sur l’efficacité du Motilium en suppositoire chez l’enfant semblent pour le moment limitées.
Des parkinsoniens affolés par un retrait potentiel
Avant la publication de cet avis, la Fédération française de neurologie et les centres experts Parkinson avaient fait savoir qu'ils étaient totalement opposés à un retrait du marché. Selon les neurologues, la dompéridone garde une balance bénéfices/risques favorable dans le traitement des nausées et des vomissements provoqués par les médicaments antiparkinsoniens. D’ailleurs c’est suite à un nombre important et croissant d’appels de patient affolés par la polémique lancée en février par la revue Prescrire, que les neurologues ont tenu à mettre en avant les bénéfices apportés par la dompéridone chez ces patients.
Ecoutez le Pr Pierre Pollak, chef du service de neurologie du CHU de Genève : « Le bénéfice de la dompéridone chez les parkinsoniens est considérable, car elle empêche les effets périphériques des médicaments antiparkinsoniens et améliore leur tolérance. » Si le Motilium venait à être retiré du marché, ces malades atteints de maladie de Parkinson se trouveraient dans une impasse thérapeutique. « Sans ce médicament, on serait obligé de donner d’autres traitements anti-nauséeux moins efficaces. Soit du métoclopramide qui aggrave la maladie de Parkinson, soit d’autres qui n’ont pas montré leur efficacité dans cette pathologie et qui de surcroît ont les mêmes effets cardiaques potentiels que la dompéridone » précise le Pr Pollak qui est également Président du comité scientifique de l’association France Parkinson. Ainsi, pour les neurologues les nouvelles recommandations européennes de restriction d’usage et non de retrait, vont plutôt dans le bon sens. Toutefois si l’agence française de sécurité des médicaments (ANSM) les suivait à la lettre, cela pourrait poser tout de même un problème aux parkinsoniens en matière de posologie. Ecoutez le Pr Pierre Pollak : « Je n’hésiterai pas à monter à 60 mg par jour les premiers jours de traitement, si je suis face à un patient qui a un cœur sain et un ECG normal. » La recommandation du PRAC sera examinée en avril par l’instance qui représente les différentes agences nationales du médicament dans les pays de l’UE, pour un avis définitif. L’ANSM avait elle annoncé, qu’elle attendait l’avis du PRAC pour prendre une décision sur le plan national. En février dernier, l’Agence avait par ailleurs publié une mise en garde sur l'utilisation du Motilium à destination des prescripteurs. Elle rappelait que le risque cardiaque était plus élevé chez les patients âgés de plus de 60 ans ou chez ceux qui étaient traités par des doses quotidiennes supérieures à 30 mg.