Association américaine pour l’avancement de la science
Cannabis thérapeutique : des experts plaident pour plus de recherche
Le cannabis médical ne doit pas être enterré avant même d’avoir eu sa chance. Au cours d’un congrès, trois experts ont plaidé en faveur de travaux autour de son potentiel thérapeutique.
Laisser sa chance au cannabis. C’est le mot d’ordre d’une table ronde organisée au Congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement de la Science (AAAS), qui se tient du 12 au 16 février à San José (Californie, Etats-Unis). Des spécialistes de la douleur et de la recherche sur le cannabis ont débattu sur l’intérêt d’un usage médical de cette substance.
Renforcer les connaissances
Sur le plan législatif, aucun consensus n’existe sur l’utilisation du cannabis en médecine. La France n’autorise qu’un médicament, le Sativex, dans le traitement des douleurs musculaires dans la sclérose en plaques (il devrait être mis sur le marché dans les prochains mois). En revanche, l'Allemagne délivre des autorisations, au cas par cas, permettant à des patients de cultiver leur propre cannabis.
Dans la communauté médicale, le même flou règne. Certains – dont les membres de l’Académie de médecine française – considèrent qu’aucune preuve ne justifie le recours thérapeutique au cannabis ou à ses principes actifs. Mais tous ne partagent pas cet avis : « Je ne crois pas que tous les médecins doivent prescrire du cannabis médical, ou que tous les patients peuvent en tirer profit, mais il est temps de renforcer notre base de connaissance scientifique et d’en discuter de façon éclairée avec les patients », a déclaré le Dr Mark Ware, directeur de la recherche clinique à l’Unité de gestion de la douleur au Centre universitaire de santé McGill (Canada). Ce spécialiste plaide en faveur d’une recherche approfondie dans le domaine.
Des effets qui restent à prouver
Le Pr Roger Pertwee, professeur de neuropharmacologie à l’université d’Aberdeen (Royaume-Uni), a souligné le fort potentiel thérapeutique du cannabis. « Nous avons observé qu’un composant non psychoactif du cannabis appelé tétrahydrocannabivarine, mieux connu comme THCV, produit des effets anti-schizophréniques dans un modèle préclinique de la schizophrénie », a rappelé le co-découvreur de la THCV.
Mais la littérature livre des conclusions assez disparates sur le cannabis thérapeutiques. L’Académie américaine de neurologie (AAN) a réalisé une revue d’études comparant l’action du cannabis face à un placebo, et elle écarte tout intérêt dans les maladies de Parkinson ou de Huntington, mais confirme son efficacité dans la sclérose en plaques ou l’hyperactivité de la vessie.
Dédiaboliser le cannabis
Une déclaration est ressortie de cette table ronde : la diabolisation du cannabis médical doit cesser. Des examens IRM ont suggéré que, chez les usagers récréatifs, des altérations survenaient dans les zones du cerveau associées aux émotions et à la motivation. « Les méta-analyses d’études neurocognitives approfondies ne parviennent pas à démontrer un déclin cognitif significatif pour les utilisateurs récréatifs », a objecté le directeur du Centre de recherche sur le cannabis médical à l’Université de Californie à San Diego (Etats-Unis), Dr Igor Grant. « De plus, en imagerie cérébrale, les résultats sont variables et les études les mieux conçues montrent des effets nuls. »
Côté français, le Pr Amine Benyamina, addictologue à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif, Val-de-Marne) a adopté une posture similaire dans Le Monde (édition abonnés). « Il est dommage de condamner le cannabis sans l’avoir expérimenté, ou bien de tirer des conclusions à partir d’études qui ne respectent pas les standards de qualité, comme c’est souvent le cas », déplore ce spécialiste. « Outre le THC, principal responsable des effets psychotropes, le cannabis contient une centaine de cannabinoïdes, dont les effets s’exercent à plusieurs niveaux. »