Enfance
Mémoire : vos souvenirs de bébé sont bien dans votre cerveau
Le cerveau humain peut créer des souvenirs avant trois ans, mais ceux-ci restent dans des zones consciemment inaccessibles.
Que reste-il de nos premières années de vie dans le cerveau ? Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que le cerveau des bébés n’était pas capable de conserver durablement des souvenirs. Depuis, d’autres recherches montrent que ces derniers existent bien, mais qu’ils restent inaccessibles. Un article de la revue Science revient sur les dernières avancées sur ce sujet.
Souvenirs d’enfant : qu’est-ce que l’amnésie infantile ?
Sigmund Freud avait donné un nom à la disparition des souvenirs de nos premières années de vie : l’amnésie infantile. "Des études ont montré que de nombreux autres mammifères en font également l'expérience, ce qui suggère qu'elle n'est pas liée au langage ou à la conscience de soi, précise Sara Reardon de la revue Science. Au lieu de cela, cet oubli sert probablement un but évolutif, qu'il s'agisse d'aider les jeunes cerveaux à apprendre à attacher la bonne importance aux événements ou de développer un cadre pour les systèmes de mémoire qu'ils utiliseront tout au long de leur vie."
À l’Institut Max Planck pour le développement humain, en Allemagne, Sarah Power, spécialiste de l’amnésie infantile, mène la première étude prospective sur la manière dont la capacité des enfants à se souvenir se développer au fil des années. Son objectif est de comprendre à partir de quand le cerveau devient capable de former des souvenirs accessibles à long terme. Pour le moment, elle estime que cela se produirait autour de 20 mois. D’autres expériences, par d’autres équipes scientifiques, ont montré que ces souvenirs ne sont pas totalement inaccessibles, mais qu’il faut des stimuli spécifiques pour les raviver.
Amnésie infantile : un phénomène complexe
Néanmoins, les chercheurs peinent à comprendre la raison précise pour laquelle ces souvenirs disparaissent. L’une des théories est que la surpression de ceux-ci sert à donner davantage de puissance au cerveau et à l’hippocampe pour se développer. Aussi, cela pourrait être la conséquence du processus d’apprentissage : à ce moment-là, le cerveau des enfants priorise l’apprentissage global plutôt que la mémorisation de détails très précis. Le processus de neurogenèse, soit la formation de nouveaux neurones, pourrait aussi contribuer à l’effacement de certains souvenirs de notre conscience : les nouveaux neurones écraseraient en quelque sorte les anciens et bloqueraient ainsi cette partie de notre mémoire. Enfin, cela pourrait être la conséquence de l’évolution cérébrale : cet organe change et évolue, et cela pourrait conduire à bloquer certains souvenirs dans des endroits inaccessibles.
Pourquoi la mémoire des bébés intéresse la science ?
Mieux comprendre ce processus et ses conséquences est un enjeu pour les scientifiques. "Je pense qu'il y a beaucoup à gagner en pensant au cerveau du nourrisson non seulement comme à une version plus limitée d'un cerveau adulte, mais comme à une machine qui pourrait même fonctionner avec des règles différentes de celles du cerveau adulte", explique Flavio Donato, neuroscientifique à l’université de Bâle dans Science.
À terme, cela permettra de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et donc les différents troubles qui peuvent l’affecter, notamment ceux qui touchent à nos capacités cognitives.