Rhumatologie

Instabilité du genou : quand évoquer une Patella alta et quelle attitude adopter ?

Une Patella alta, longtemps considérée comme un facteur de risque fémoro-patellaire, a vu récemment son rôle réévalué dans les études tridimentionnelles et dynamiques qui montrent que cette anomalie s’intègre dans un cadre dysplasique plus large et doit être traitée en conséquence.

  • 25 Mar 2025
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    Le concept de Patella alta (rotule haute) a historiquement été considéré comme un facteur de risque important dans plusieurs pathologies du genou, notamment l'instabilité fémoro-patellaire (luxation, subluxation), le syndrome douloureux rotulien et les troubles de l’engagement rotulien dans la trochlée.

    Cependant, depuis une dizaine d’années, ce concept a été revisité et nuancé. Les publications récentes tendent à montrer que la Patella alta n’est pas une entité pathologique isolée, mais fait partie d’un ensemble plus large de facteurs anatomiques et fonctionnels comme une trochlée dysplasique et anomalie du positionnement de la tubérosité tibiale antérieure.

    Une rotule haute se rencontrerait dans près de 30% des instabilités rotuliennes selon la littérature, avec une grande variabilité cependant, qui tient à l’absence de standardisation de la méthode de mesure. Son concept pathologique n’est pas remis en cause mais des études IRM plus récentes montrent que ce n’est pas tant la hauteur anatomique de la rotule qui importe, mais le degré d’engagement réel dans la trochlée, d’où l’intérêt croissant pour des indicateurs dynamiques tels qu’une IRM fonctionnelle. L’indice PTI (Patellotrochlear Index), l’analyse 3D, et la cinématique IRM deviennent les nouveaux standards. 

    Les approches thérapeutiques (chirurgicales ou non) sont aujourd’hui guidées par des indicateurs de mauvaise congruence articulaire réelle, pas uniquement par la hauteur rotulienne.

    Quand évoquer une Patella alta ?

    Une patella alta se caractérise au premier chef par une instabilité de rotule, les douleurs étant plutôt au second plan. En pratique clinique, on suspecte une patella alta dans les contextes d’instabilité fémoro-patellaire récidivante (luxation, subluxation), de sensation de « genou qui lâche » ou « de déboîtement » et dans un contexte de dysplasie trochléenne associée (souvent co-existante), et de faible engagement trochléen au début de la flexion du genou ; voire de douleurs antérieures du genou chroniques (lors des poussées d’arthrose secondaire fémoro-patellaire ou de maltracking)

    Les spécialistes insistent sur le fait que la patella alta n’est pas toujours symptomatique mais qu’elle est pathologique lorsqu’elle altère l’engagement trochléen ou provoque un retard d’auto-stabilisation du genou. Cette patella alta est donc rarement isolée et le plus souvent observée dans le cadre d’une dysplasie fémoro-patellaire. Elle peut également être secondaire à un traumatisme du genou comme une rupture du tendon rotulien. Par contre, en cas de genu recurvatum (hyperextension anormale du genou dans le cadre d’une hyperlaxité), il s’agit d’une « pseudo patella alta ».

    Comment diagnostiquer une Patella alta ?

    Il existe de nombreuses méthodes classiques (radiologiques) :

    • Caton-Deschamps Index (>1.2 = alta)
    • Insall-Salvati Index (>1.2 = alta)
    • Blackburne-Peel Index

    Mais d’après les experts modernes, ces indices sont limités, car ils ne tiennent pas compte de l’engagement réel dans la trochlée et peuvent varier avec l’angle de flexion du genou ou selon l’examinateur

    Les méthodes modernes proposées par Biedert sont donc basées en pratique clinique par un index simple : le Patellotrochlear Index (PTI) qui est mesuré sur une IRM en coupe sagittale = rapport entre la longueur du cartilage patellaire et la longueur du cartilage trochléen engagé. Un PTI < 0.28 est fortement suggestif de patella alta pathologique.

    Dans les cas les plus complexes, il faut avoir recours à une imagerie 3D et une IRM dynamique qui seules permettent d’évaluer l’engagement réel de la patella dans la trochlée lors du mouvement et seraient plus sensible que les indices statiques.

    Comment traiter une Patella alta symptomatique ?

    Dans un premier temps, il faut systématiquement traiter une patella alta médicalement avec une rééducation ciblée : renforcement du quadriceps médial, contrôle neuromusculaire, voire le port d’orthèses dynamiques si la douleur ou une instabilité sont présentes. Des infiltrations de corticoïdes sont possibles si la douleur est inflammatoire, témoignant d’une poussée inflammatoire

    En cas d’association avec autres anomalies, le traitement est souvent multifactoriel, combinant réduction chirurgicale de la TTTG (médialisation de la tubérosité tibiale) avec éventuellement une reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial et un traitement de la dysplasie trochléenne

    Quand faut-il opérer une Patella alta ?

    Selon Biedert, les critères opératoires sont :

    Indication

    Justification

    Échec traitement conservateur ≥ 6 mois

    Douleur ou instabilité persistante

    PTI < 0.28 confirmé à l’IRM

    Mauvais engagement trochléen

    Associée à d'autres facteurs de risque anatomiques

    TTTG élevé, dysplasie trochléenne

    Instabilité récidivante malgré une reconstruction seule du ligament fémoro-patellaire interne

    Souvent signe qu’il faut aussi traiter la patella alta

     

    La technique recommandée repose sur un abaissement de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) de 5 à 10 mm qui améliore l’engagement rotulien et diminue le risque de récidive.

     

    En conclusion, le concept de Patella alta ne disparaît pas, mais évolue d’un critère radiologique statique à un élément dynamique intégré dans une analyse multifactorielle du genou. Il reste donc pertinent, mais insuffisant seul pour guider une décision thérapeutique.

     

    Bibliographie

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