Cardiologie
Hypercholestérolémie familiale : l’ère de la thérapie génique a commencé
Un traitement hypocholestérolémiant par édition de gène (CRISPR-Cas9) en une seule dose serait susceptible de protéger à vie contre les conséquences cardiovasculaires chez les personnes souffrant d'une hypercholestérolémie familiale avec athérosclérose avancée.
- Oleksandr Hruts/istock
Selon les résultats intermédiaires de l'étude Heart-1, les 10 participants atteints d'hypercholestérolémie familiale hétérozygote (HeFH) inclus dans cette étude « proof of concept » ont obtenu des réductions dose-dépendantes de la protéine PCSK9 et du LDL-cholestérol sérique après avoir reçu une seule injection de CRISPR VERVE-101.
Chez le seul patient qui a reçu la dose la plus élevée de cette thérapie d'édition de gènes, le LDL-cholestérol a chuté de 55% et le niveau de PCSK9 a baissé de 47%.
La réduction du LDL-cholestérol est restée durable jusqu'à 6 mois chez cette personne. L’étude a été présentée au congrès 2023 de l'American Heart Association (AHA).
Un traitement en perfusion unique
Les patients ont reçu une perfusion unique de nanoparticules lipidiques microscopiques contenant une technologie CRISPR de deuxième génération, VERVE-101, un médicament expérimental d'édition des bases pour modifier un seul gène, celui du PCSK9, dans les cellules du foie, le site de synthèse du cholestérol. Ce gène, PCSK9, augmente le taux de LDL-cholestérol et l'objectif était de le bloquer à vie.
Les petites sphères lipidiques spécialisées sont transportées par le sang directement vers le foie où elles pénètrent dans les hépatocytes. Une protéine éditrice et un guide localisent ensuite le gène PCSK9, pour effectuer un changement d'une seule paire de bases afin de bloquer définitivement la production de PCSK9 dans cette cellule. L'outil d'édition de gènes agit comme un crayon et une gomme. La gomme efface une lettre du gène cible (le PCSK9) et le crayon en inscrit une nouvelle, bloquant ainsi la formation de la protéine PCSK9 et la synthèse de LDL-cholestérol.
Une évaluation prolongée de la sécurité est impérative
Comme le traitement modifie définitivement le génome des hépatocytes ciblés, la sécurité de ce traitement est critique, d'autant qu'il existe actuellement des traitements sûrs et efficaces pour abaisser les taux de lipides.
Dans cette petite étude, les patients qui ont reçu les doses les plus élevées ont eu des symptômes semblables à des bouffées de chaleur pendant quelques heures. Deux patients ont eu des effets indésirables graves que le comité indépendant de sécurité et de surveillance des données de l'étude a considéré comme résultant de leur maladie cardiaque sévère et sous-jacente. Le comité a conseillé aux chercheurs de ne pas interrompre l'étude.
L'un d'entre eux a subi un arrêt cardiaque fatal cinq semaines après avoir reçu la perfusion. L'autopsie a montré que plusieurs de ses artères coronaires étaient obstruées. L'autre patient a eu un infarctus du myocarde le lendemain de la perfusion. Il s'est avéré qu'il avait ressenti des douleurs thoraciques avant de recevoir la perfusion, mais qu'il ne l'avait pas signalé. Si les chercheurs l'avaient su, il n'aurait pas reçu le traitement.
Un point d’étape d’une étude phase 1b
Le présent rapport, intermédiaire, décrit les 10 personnes qui ont reçu l'une des quatre doses (allant de 0,1 mg/kg à 0,6 mg/kg) dans le cadre de la première étude humaine de phase Ib de VERVE-101. Les participants éligibles étaient des personnes souffrant d'hypercholestérolémie familiale hétérozygote avec un risque élevé d'événements cardiovasculaires.
La cohorte de l'étude intermédiaire était âgée en moyenne de 54 ans, et huit participants sur dix étaient des hommes. Le taux moyen de LDL-cholestérol à l’inclusion était de 193 mg/dL, et neuf personnes sur dix avaient une mutation LDLR connue à l'origine de leur hypercholestérolémie. Presque tous les participants avaient déjà subi une revascularisation coronarienne et suivaient un traitement par statines.
Une histoire à succès
D'une certaine manière, ce traitement est l'aboutissement d'études qui ont débuté il y a dix ans, lorsque les chercheurs ont découvert de rares personnes en bonne santé et dont le taux de cholestérol était à un taux incroyablement bas, apparemment impossible à atteindre avec les statines. La raison en était que leur gène PCSK9 était muté et ne fonctionnait plus et l’enzyme PCSK9 étant absente, le LDL-cholestérol ne pouvait plus être fabriqué directement. Ces personnes étaient par ailleurs protégées contre les maladies cardiaques.
Cette découverte a conduit au développement d'anticorps monoclonaux anti-PCSK9, destinés à bloquer l’enzyme PCSK9 dans les cellules du foie, en une injection une fois par semaine. Ensuite, est arrivé l’inclisiran, le premier traitement par petit ARN interférent (siRNA) qui empêche la production d’enzyme PCSK9 en bloquant temporairement le gène de PCSK9, pour réduire le LDL-cholestérol (en une injection deux fois par an). Avec la thérapie par édition de gène, le blocage serait à vie.
Au final, et d’après les experts de l’AHA, l'essai n'a porté que sur 10 patients, mais il suggère qu'il est possible de réduire durablement le cholestérol avec une seule dose pour les patients présentant un risque élevé de maladie cardiovasculaire : ce traitement pourrait même à terme transformer la cardiologie préventive.
VERVE-101 – Safety and Pharmacodynamic Effects of VERVE-101, an Investigational DNA Base Editing Medicine Designed to Durably Inactivate the PCSK9 Gene and Lower LDL Cholesterol - Interim Results of the Phase 1b heart-1 Trial. AHA 2023 LBS.06 in Program Planner. Sunday, November 12, 2023, 3:30 p.m. – 4:45 p.m. ET