Santé mentale
Le gaz hilarant, efficace contre la dépression résistante au traitement ?
En activant des neurones préfrontaux spécifiques, le protoxyde d'azote induit un effet antidépresseur rapide et durable.

- Par Geneviève Andrianaly
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- wombatzaa/iStock
Surnommé "gaz hilarant" ou "proto", le protoxyde d’azote (molécule : N2O) est un gaz, connu des médecins comme anesthésique et analgésique, sous la forme de cartouches ou de bonbonnes. Ces dernières années, les autorités sanitaires ont alerté sur les risques de l’usage détourné de produit qui a des effets euphorisants, tels qu’une perte de connaissance, des vertiges, de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques ou cardiaques. Mais dans une récente étude, des scientifiques de l’université de Pennsylvanie (États-Unis) ont révélé que le protoxyde d’azote pourrait avoir un usage "positif" : aider à lutter contre la dépression résistante au traitement.
L’activation des neurones L5 induite par le protoxyde d’azote est cruciale pour son action antidépressive
Pour les recherches, l’équipe a utilisé l'imagerie calcique avancée pour observer l'activité cérébrale de souris ayant inhalé du protoxyde d'azote après avoir été exposées à un stress chronique, soit un modèle courant de dépression. En examinant le cortex cingulaire, une région du cerveau associée à la régulation émotionnelle et à l'humeur, ils se sont concentrés sur un groupe spécifique de neurones, appelés neurones pyramidaux de la couche V (L5). "Dans la dépression liée au stress, ces neurones L5 sont sous-actifs, tant chez la souris que chez l'Homme", a indiqué Peter Nagele, auteur des travaux.
Les résultats, parus dans la revue Nature Communications, ont montré qu'une dose unique de gaz hilarant inhalé induisait une activation rapide et spécifique des neurones pyramidaux de la couche V (L5) du cortex cingulaire des animaux exposés à des conditions de stress chronique. Celle-ci permettait de rétablir un état d'hypoactivité associé au stress même après l'élimination du gaz. Les animaux précédemment stressés s’étaient presque immédiatement réveillés et ont commencé à se tourner vers des activités plus agréables, comme siroter de l'eau sucrée. "Cet effet de désinhibition semble être une raison essentielle des bienfaits antidépresseurs du gaz hilarant. Il permet de réactiver les circuits neuronaux affaiblis par le stress et la dépression sans nécessiter la formation de nouvelles connexions cérébrales", ont expliqué les auteurs.
Dépression résistante : l’effet de désinhibition implique de nouvelles actions moléculaires
En examinant différentes cibles moléculaires et de circuits, les chercheurs ont identifié l'inhibition des canaux potassiques sensibles au calcium (SK2), présents dans les neurones L5, induite par le protoxyde d’azote comme une interaction moléculaire clé responsable de l'activité spécifique des neurones pyramidaux de la couche V et des effets antidépresseurs qui en découlent. "Ces données montrent qu'il existe plusieurs voies possibles pour atteindre le résultat souhaité dans le traitement de la dépression. Si nous parvenons à isoler les voies exactes impliquées, nous pourrions créer de nouveaux traitements contre la dépression, plus accessibles et plus durables."