Onco-Digestif
Cancer du rectum : l'immunoscore comme marqueur de prédiction ?
L’immunoscore pourrait devenir le talisman permettant de prédire le risque de repousse locale chez les malades ayant un cancer du rectum pris en charge selon une stratégie de Watch and Wait selon les résultats d’une étude de cohorte internationale.
- Vladyslav Severyn/iStock
La stratégie de préservation rectale opportuniste ou Watch and Wait (W&W) peut être proposée pour les malades ayant un cancer du rectum localement évolué ayant très bien répondu à la radiochimiothérapie (RCT) ou traitement néoadjuvant total (TNT) (1). Le principal inconvénient de cette approche est le risque de reprise évolutive (repousse locale) qui survient chez plus de 25 % des malades. Aucun paramètre clinique ou biomarqueur n’est fiable pour prédire ce risque.
L’immunoscore (IS) mesure l’importance de l’infiltrat lymphocytaire intratumoral qui est le reflet de l’immunogénicité de la tumeur (2). Facteur pronostic reconnu des cancers colorectaux, il pourrait être utilisé pour prédire le risque de repousse locale ou de récidive chez les malades pris en charge pour un cancer du rectum selon une stratégie de W&W.
Résultats de l’étude
El Sissy et al. rapportent les résultats d’une étude rétrospective internationale évaluant l’intérêt du score sur des biopsies préthérapeutiques pour prédire le risque de récidive chez 249 malades traités par W&W après une réponse clinique complète. La majorité des malades était pris en charge pour un cancer du bas rectum (69,9 %) et 40 % des malades avait un cancer cT1-T2. Concernant la mesure de l’IS sur biopsies, 14,1 % avaient un IS élevé, 55 % un IS intermédiaire et 31 % un IS bas. Les taux de survie sans récidive à 5 ans étaient de 91,3 % (82,4 %-100,0 %) en cas de score IS élevé, 62,5 % (53,2 %-73,3 %) en cas d’IS intermédiaire et de 53,1 % (42,4 % - 66,5 %) en cas d’IS bas, (hazard ratio [HR] élevé versus bas, 6,51 ; intervalle de confiance 95 % = 1,99 - 21,28 ; log-rank P = 0,0004). Il existait une corrélation entre le score IS et la survie sans récidive (p = 0,002), le risque de repousse locale et d’apparition de métastases. En analyse multivariée, le score IS était indépendamment associé au risque de récidive (HR [IS élevé vs bas] = 6,93 ; IC95 % = 2,08 - 23,15 ; P = 0,0017). L’adjonction du score IS améliore la prédiction du risque de récidive.
Les auteurs ont conclu que le score IS est un biomarqueur prometteur permettant de prédire à la fois la repousse locale et le risque de récidive métastatique avec une augmentation graduelle du risque selon le niveau du score.
Pas de précision sur le statut MSI /dMMR
Dans cette étude, le phénotype MSI/dMMR n’est pas rapporté mais il n’est pas impossible qu’une bonne partie des malades ayant un IS élevé soit MSI/dMMR, les deux paramètres étant liés. Si cela se vérifiait, la portée de l’intérêt de l’IS s’en trouverait très limitée. Actuellement, le phénotype dMMR est recherché chez tous les malades, représentant près de 5% des malades ayant un cancer du rectum (dans cette population des très bons répondeurs, cette proportion n’est pas connue). Ces malades sont candidats à un traitement par immunothérapie exclusive.
Conclusion
La reproductibilité de la mesure de l’IS a souvent été critiquée. Dans cette étude de validation, il s’agit précisément de l’équipe de Pagès et al. qui a effectué la gradation. Il est donc difficile de se prononcer sur cet aspect dans l’attente de nouvelles études multicentriques impliquant des équipes indépendantes.
Cependant, l’IS pourrait donc être un biomarqueur permettant de prédire le risque de récidive chez des malades ayant un cancer du rectum pris en charge selon une stratégie de préservation rectale W&W. Est-ce la baguette magique qui manquait pour améliorer la sélection des bons candidats à cette approche ?
Références :
1. Lancet 2018 ; 391:2537-2545
2. Lancet 2019 ; 391:2128-2139