Cardiologie
Insuffisance cardiaque : perte de poids à risque pendant les canicules
Il existerait un risque d'aggravation de l’insuffisance cardiaque pendant les épisodes de canicules, en lien avec une perte de poids, une insuffisance rénale et une décompensation cardiaque.
- McIninch/istock
Le poids corporel des patients souffrant d'insuffisance cardiaque risque de baisser pendant une vague de chaleur mais le risque est le même. Une personne en bonne santé qui boit davantage de liquides par temps chaud voit son rein réguler automatiquement son débit de filtration, mais cela n’est pas le cas lors d'une insuffisance cardiaque... du fait des diurétiques.
Une étude nationale française montre que, pendant la canicule de 2019, les températures élevées ont été étroitement liées à une perte de poids chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, ce qui témoigne également d’une aggravation de leur état. L'étude est publiée dans ESC Heart Failure, une revue de la Société européenne de cardiologie (ESC).
Une baisse de poids inattendue
Les chercheurs français ont analysé l'association entre le poids des patients, la température ambiante le jour même et deux jours avant la mesure du poids. La relation entre la température et la baisse de poids est très forte (p < 10-7), le poids diminuant à mesure que la température augmente. La relation la plus forte est avec les températures deux jours avant la mesure du poids.
La perte de poids observée pendant la canicule est cliniquement pertinente, par exemple, des patients pesant 78 kg ont perdu 1,5 kg en un court laps de temps ce qui induit un risque. Les auteurs ont été surpris de constater que le poids diminuait avec les températures élevées, car ils s’attendaient à l’inverse et le système de télésurveillance avait été programmé pour alerter les cliniciens plutôt lorsque les patients prenaient du poids.
Un télémonitoring incluant le poids
L'étude a examiné la relation entre le poids corporel et la température de l'air entre le 1er juin et le 20 septembre 2019, ce qui couvrait les deux vagues de chaleur de fin juin et de fin juillet. L'analyse a porté sur 1 420 patients souffrant d'insuffisance cardiaque chronique. L'âge médian était de 73 ans et le poids moyen était de 78 kg. Les températures quotidiennes (à midi) ont été obtenues en utilisant les données de la station météorologique la plus proche du domicile.
Un système national de télésurveillance a été utilisé pour obtenir à distance des informations sur le poids et les symptômes. Les patients se pesaient tous les jours à l'aide d'un pèse-personne connecté qui envoyait automatiquement les mesures à la clinique. Les patients signalaient également les symptômes quotidiens tels que les œdèmes, la fatigue, l'essoufflement et la toux, en répondant à des questions sur un smartphone ou une tablette, les réponses étant envoyées automatiquement à la clinique.
La perte de poids fait courir un risque vital
Chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, la dysfonction myocardique est responsable d’une accumulation d’eau, dans les poumons avec un essoufflement secondaire à l’OAP, mais aussi dans les membres inférieurs et l'abdomen. La prise de poids est donc la pierre angulaire de la surveillance de ces malades car la prise de poids est liée à l’OAP, elle-même principale cause d'admission à l'hôpital.
Les diurétiques sont utilisés pour augmenter le débit urinaire et réduire l’œdème. Les recommandations de l'ESC imposent d'apprendre aux patients à augmenter leur dose de diurétiques ou à alerter leur équipe soignante en cas de dyspnée, d’œdème ou de prise de poids soudaine et inattendue de plus de 2 kg en trois jours. À l’inverse, au cours de l’insuffisance cardiaque, la perte de poids a reçu moins d'attention et les télésurveillances ne sont pas programmées pour la détecter.
Modification de la surveillance pendant la canicule
Ce constat interroge, compte tenu des canicules qui sévissent de plus en plus souvent. La perte de poids observée chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque peut entraîner une baisse de la pression artérielle, notamment en position debout, et une insuffisance rénale, faisant courir un risque vital
Selon l'auteur de l'étude, le professeur François Roubille du CHU de Montpellier: « Étant donné que l'on s'attend à davantage de vagues de chaleur, les systèmes de télésurveillance doivent également alerter les cliniciens en cas de perte de poids chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. » « Pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque qui ne sont pas surveillés à distance, une bonne règle empirique consisterait à leur dire de contacter leur médecin si le poids diminue de 2 kg pendant une vague de chaleur. »