Pr Olaf Mercier
Poumon artificiel : le chirurgien s'explique
Une équipe de médecins français va développer un poumon artificiel portatif pour les patients atteints d'hypertension pulmonaire sévère. Il devrait être testé chez l'Homme en 2020.
Des médecins français se lancent dans un pari fou. Après le cœur artificiel développé par le Pr Alain Carpentier et ses collègues, une équipe du Centre chirurgical Marie-Lannelongue (Hauts-de-Seine) veut développer un poumon artificiel portatif.
Grâce à cette innovation, la chirurgie ne sera plus nécessaire. « Les deux poumons malades seront laissés en place, explique le Pr Olaf Mercier, responsable du projet et chirurgien au Département de Chirurgie Thoracique, Vasculaire et Transplantation Cardio-Pulmonaire de l'hôpital Marie-Lannelongue. On ajoutera un "troisième poumon" à l’extérieur du corps, fixé au niveau du thorax par une ceinture ou des bretelles. »
Initialement, ce poumon artificiel a été imaginé pour traiter les patients atteints d’hypertension pulmonaire (une maladie vasculaire qui affecte les vaisseaux des poumons) et qui ne peuvent pas bénéficier d’une transplantation. Chez ces patients, la partie droite du cœur qui envoie le sang vers les poumons n'est plus assez puissante, entraînant une oxygénation du sang de moins en moins bonne.
« Dialyse respiratoire »
Sur le même mécanisme qu’une dialyse rénale, ce poumon portatif permettra de remplacer l’activité des poumons. « Une petite canule placée dans une veine au niveau du cou ira jusque dans la partie droite du cœur pour faire passer le sang dans la machine afin de l’oxygéner et d’éliminer le dioxyde de carbone. Puis, le sang sera réinjecté dans la partie gauche pour être distribué aux organes », détaille le chirurgien.
Aujourd’hui, il existe des systèmes qui assistent le cœur et les poumons, mais ce sont des appareils branchés à des prises électriques qui ont une durée de vie d’environ 3 semaines. « Les patients restent allongés sans bouger en service de réanimation. Le but de ce poumon artificiel est donc d’être portatif et le plus autonome possible en termes d’énergie pour pouvoir espérer faire sortir les malades de réanimation, voire de l’hôpital », s’enthousiasme le chirurgien.
L’un des plus grands défis de ce projet sera donc le développement d’une batterie légère et suffisamment autonome pour être transportée facilement et longtemps, car les patients sous « dialyse respiratoire » auront besoin de cette machine nuit et jour. « Si au début, elle tient ne serait-ce qu'une heure, ce sera déjà une heure d’autonomie, pour quelqu’un condamné à rester dans son fauteuil, essoufflé sans rien faire de la journée », relève le médecin.
Début des travaux en 2016
A l’heure actuelle, aucun test ni aucun prototype n’existe, mais cette innovation, prévue pour être testée en décembre 2020 chez l’Homme, suscite déjà un vif engouement. Le projet a en effet reçu 5 millions d’euros de l’Etat dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
Grâce à ce soutien financier, l’équipe testera l'innocuité et l'efficacité du dispositif chez des animaux comme le cochon. Mais avant, les chercheurs devront inventer et développer un système miniature. Les chercheurs se diviseront en équipes et chacune aura en charge la mise au point d'une pièce du poumon artificiel (soit la canule, l’oxygénateur, la pompe et la batterie). Les travaux débuteront en janvier 2016.