Etude française
Etudiants en médecine : un sur trois a recours à des psychostimulants
Un tiers des étudiants en médecine français a déjà utilisé des psychostimulants. Les produits en vente libre sont prisés, tout comme les corticoïdes pour accroître la vigilance.
La réussite des études de médecine passe aussi par les médicaments. Un étudiant dans ce secteur sur trois a déjà pris des psychostimulants dans sa vie, d’après une étude menée par l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), et révélée par nos confrères du Monde. 1 700 étudiants et anciens étudiants ont accepté d’aborder le sujet dans un questionnaire. Et le profil de la consommation est très particulier à notre pays.
Des produits très variés
En France comme ailleurs, les études de médecine sont connues pour leur haut niveau d’exigence. Pour suivre le rythme, 33 % des participants ont eu recours à des psychostimulants. Il s’agit en majorité de produits en vente libre, comme les tablettes de caféine concentrée ou les boissons énergisantes. Mais les médicaments soumis à prescription sont utilisés de manière récurrente, comme l’explique le Dr Guillaume Fond, psychiatre et co-auteur de l’étude.
Les corticoïdes, particularité française
Les réponses au questionnaire mettent pour la première fois en évidence une spécificité française : la consommation de corticoïdes, très peu utilisés à l’étranger. « C’est très français », analyse Guillaume Fond. Cette pratique n’est pas sans risque : les corticoïdes peuvent provoquer des troubles allant de la fragilité osseuse à l’insomnie en passant par l’insuffisance surrénalienne et l’hypercholestérolémie. Aux yeux de ce psychiatre, c’est le reflet d’une législation très contraignante envers les autres produits très sollicités par les Anglo-saxons : ritaline, modafinil…
Rester à niveau
Pourquoi les étudiants en médecine sont-ils adeptes des médicaments ? « La motivation qui arrive en tête, avec plus de 60 %, c’est la recherche de vigilance. L’augmentation de la concentration et de la mémoire arrive autour de 50 %, ce qui reste énorme, détaille Guillaume Fond. A côté de cela, d’autres motivations comme la perte de poids, la dépendance à la molécule sont très marginales. » Les premiers à tenter d’augmenter leurs performances sont ceux qui présentent des difficultés sur le plan académique. Les psychostimulants les placeraient alors « à égalité » avec les autres. Rien de bien inquiétant, même si la prudence reste de mise quant aux effets à long terme.
Le traitement de la narcolepsie très utilisé chez les Anglais
Loin des corticoïdes et de leurs effets secondaires, les étudiants britanniques plébiscitent le modafinil (Modiodal). Une revue de la littérature, récemment parue dans European Neuropsychopharmacology, conclut que ce médicament, indiqué dans la narcolepsie, est souvent détourné par les étudiants qui sollicitent ses propriétés psychostimulantes. Jusqu’à un quart d’entre eux en ont déjà pris.
A bon escient ? Pas si sûr. Les indications étant détournées, difficile de décrire les effets précis de ce psychostimulant sur une personne saine. « On ne peut pas faire de protocole d’étude à ce sujet, car ce ne serait pas accepté d’un point de vue éthique », explique le Dr Guillaume Fond. Les bienfaits du modafinil sur la vigilance sont bien documentés. Ceux sur la mémoire restent contestables.
Le psychiatre soulève aussi la question de l’impact à long terme sur la mémoire et dresse un parallèle avec la nicotine. « Chez les fumeurs, on sait que la nicotine augmente la concentration ; mais à long terme, chez les gros fumeurs, on a l’impression qu’il y a des altérations, explique Guillaume Fond. C’est un peu comme si on épuisait la capacité du cerveau et qu’il se fatiguait à force d’être boosté. »