Innovation
Cancer de la bouche : un projet pour la reconstruction faciale des patients est lancé au CHU de Toulouse
Développer un dispositif médical pour reconstruire les os du visage des personnes atteintes d’un cancer affectant la cavité buccale grâce à des biomatériaux novateurs, c’est le projet de recherche BIOFACE qui a été récemment lancé par des médecins et des scientifiques toulousains.
Tout a commencé en 2022. Cette année-là, Agnès Dupret-Bories, professeure des universités, praticien hospitalier au CHU de Toulouse et spécialiste de la reconstruction microchirurgicale, son collègue le Dr Benjamin Vairel et leur équipe ont réalisé une prouesse médicale. Ces derniers sont parvenus, pour la première fois, à reconstruire le nez d’une patiente après un cancer à partir d’un greffon synthétique préalablement implanté dans son avant-bras pour le pré-vasculariser. Jusqu’alors, ce type de reconstruction n’avait jamais été pratiqué en raison de la fragilité de cette zone. Plus tard, un second patient, originaire de Caen, a bénéficié de la même intervention chirurgicale et un troisième est en attente de la mise en place du greffon.
Cancer de la bouche : "Modifier radicalement une méthode de prise en charge des patients opérés"
À la suite de cette avancée majeure, l’Agence nationale de la recherche sélectionne le centre hospitalier universitaire de Toulouse pour développer le projet BIOFACE, porté par la Pr Agnès Dupret-Bories et a été lancé ce 16 décembre. L’objectif ? Il "a l’ambition de modifier radicalement une méthode de prise en charge des patients opérés pour un cancer de la bouche", a-t-elle indiqué. Pour rappel, parmi les cancers de la tête et du cou représentant le cinquième type de cancer le plus fréquent chez l’Homme en Europe, plus d’un quart sont des cancers de la cavité buccale, dont le nombre augmente dans le monde et particulièrement chez la femme. La chirurgie est le traitement de référence des cancers de la cavité buccale et nécessite fréquemment l’ablation d’un os du visage. "Environ 1.300 à 2.000 procédures de ce type ont lieu chaque année en France", selon l’établissement toulousain. Problème : la technique chirurgicale proposée actuellement, qui consiste à utiliser l’os prélevé sur un site de donneur du même patient et ensuite revascularisé par microchirurgie, "n’est pas pleinement satisfaisante".
Reconstruire des grandes zones osseuses à l’aide de biomatériaux "dont certains imprimés en 3D"
Ainsi, dans le cadre du projet BIOFACE, les médecins, les universitaires, les industriels et les chercheurs veulent développer une technique de reconstruction sur mesure basée sur la synergie de plusieurs biomatériaux. Dans le détail, ces derniers souhaitent rendre possible la reconstruction de grandes zones osseuses (mâchoires, maxillaires) à l’aide de biomatériaux synthétiques ou biologiques, "dont certains imprimés en 3D", tout en maintenant la compatibilité avec un traitement par radiothérapie. "Cette ambition repose sur un procédé innovant permettant une reconstruction en une seule étape grâce à la combinaison de quatre biomatériaux spécifiques : l’implant à base d’Hydroxyapatite MyBone®, l’implant personnalisé en Titane, une membrane d’albumine et un spray antibactérien." Une fois abouti, ce dispositif permettra ainsi de reconstruire les os faciaux sans avoir recours à un prélèvement osseux sur une autre partie du corps.
"Actuellement, les premières études cliniques sont en phase préparatoire, tant pour les essais vétérinaires que pour les essais humains. Les tests sur des modèles animaux sont programmés pour 2028, tandis que les premiers essais d’implantation chez l’homme débuteront l’année suivante, en 2029. (...) Une fois développée, la nouvelle procédure BIOFACE pourra également être utilisée pour des reconstructions osseuses de la face dans des contextes non oncologiques, tels que les tumeurs bénignes ou les traumatismes. Par ailleurs, cette innovation pourrait trouver des applications supplémentaires, notamment dans le domaine de l’orthopédie", peut-on lire dans le communiqué du CHU de Toulouse.