Neurologie
Hémorragie cérébrale : la baisse rapide de la pression artérielle ne majore pas le risque d’ischémie
Chez les patients souffrant d’une hémorragie intracérébrale aiguë (HIC), une réduction intensive de la pression artérielle systolique (PAS) ne semble pas augmenter le risque de lésions ischémiques détectables en IRM, rassurant ainsi sur la sécurité de cette stratégie thérapeutique.

- mr.suphachai praserdumrongchai/istock
Les recommandations actuelles après une hémorragie intracérébrale aiguë (HIC), préconisent de cibler une PAS entre 130 et 140 mm Hg sur la base d’essais ayant montré un bénéfice clinique potentiel de cette approche. Toutefois, la crainte que cette baisse rapide de la pression favorise des lésions ischémiques cérébrales diffuses, en particulier visibles en imagerie par diffusion (DWI), subsistait, sans preuve directe.
L’essai ICHADAPT-2, publié dans le JAMA Neurology, a comparé deux stratégies de contrôle tensionnel (PAS <140 mm Hg vs <180 mm Hg) chez 162 patients dans les 6 heures suivant une hémorragie intracérébrale. L’analyse principale portait sur les 79 patients qui ont eu une IRM à 48 h. Résultat : la fréquence des lésions cérébrales DWI n’est pas significativement différente entre les deux groupes (31 % vs 38 %, OR : 0,74 ; IC à 95 % : 0,12–4,64 ; p = 0,32), et le volume total des lésions ne varie pas significativement.
Des résultats cohérents avec les dernières études précédentes
Le nombre médian de lésions DWI (1 vs 1,5) et leur volume (0,1 mL vs 0,3 mL) sont similaires entre les groupes. Ces lésions, de petit volume, sont toutes cliniquement silencieuses. Aucun effet délétère de la baisse tensionnelle rapide n’a été observé en termes de tolérance.
En raison du petit nombre de patients recruté, une méta-analyse individuelle combinant ces données à celles de 171 patients de l’essai ATACH-2 confirme l’absence d’association entre stratégie intensive et survenue de lésions DWI (RR : 0,92 ; IC à 95 % : 0,62–1,38). Fait notable, le volume initial de l’HIC semble être un facteur prédictif de lésions DWI, ce qui rejoint les observations d’autres essais comme MISTIE III. L’étude souligne également que les lésions peuvent continuer à apparaître au-delà des premières 48 heures, ce qui limite l’interprétation causale directe avec la gestion tensionnelle en phase hyperaiguë.
Un changement de paradigme
ICHADAPT-2 (Intracerebral Hemorrhage Acutely Decreasing Arterial Pressure Trial 2) est un essai multicentrique randomisé, en ouvert avec évaluation en aveugle du critère principal. L’échantillon reste modeste (79 patients avec IRM), en raison notamment de difficultés logistiques pour obtenir une imagerie précoce, introduisant un biais de sélection : les patients les plus graves, avec un plus grand volume d’hématome, n’ont souvent pas pu avoir une IRM. Cela limite la représentativité des résultats à l’ensemble de la population des hémorragies intra-cérébrales.
Néanmoins, selon un éditorial associé, ces données convergent avec celles d’autres études. Le maintien d'une PAS stable inférieure à 140 mm Hg et la prévention d'une variabilité significative de la PA peuvent être plus importants que la réduction prudente de la PAS chez les patients souffrant d'ICH, du moins chez ceux dont la PAS initiale est inférieure à 250 mm Hg. D’autre part, les lésions DWI observées après HIC sont vraisemblablement liées à une maladie des petits vaisseaux préexistante, plus qu’à l’hypoperfusion induite par le traitement antihypertenseur.
L’ensemble des essais récents, y compris INTERACT2 et ATACH-2 (Antihypertensive Treatment of Acute Cerebral Hemorrhage II), soutient désormais une prise en charge précoce et intensive de la pression artérielle, à condition d’en assurer la stabilité. À l’avenir, des études intégrant des biomarqueurs de la maladie vasculaire cérébrale chronique, une stratification en fonction du volume de l’hémorragie intracérébrale et des mesures hémodynamiques individualisées pourraient permettre d’affiner encore les cibles tensionnelles dans cette population à haut risque.