Neurologie
Sclérose en plaques débutante : bénéfices de la vitamine D à forte dose
Un traitement par cholécalciférol à forte dose réduirait l’activité d’un syndrome cliniquement isolé (CIS) évocateur de sclérose en plaques (SEP) précoce, sans augmenter le risque d’événements indésirables graves.

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La sclérose en plaques (SEP) est une pathologie inflammatoire chronique du système nerveux central, débutant fréquemment par un syndrome clinique isolé (CIS). Parmi les facteurs de risque identifiés, le déficit en vitamine D pourrait influencer l'activité de la maladie.
Des études antérieures avaient déjà établi un lien entre de faibles taux de vitamine D et un risque accru de rechutes ou de lésions nouvelles en imagerie par résonance magnétique (IRM).
L’hypothèse d’un bénéfice thérapeutique de la vitamine D s’appuie sur ses propriétés immunomodulatrices : elle freinerait la différenciation des lymphocytes T et B, promeuvrait les sous-populations régulatrices et réduirait l’activation microgliale, suggérant qu’elle pourrait limiter l’activité et la progression de la SEP.
Tester l’activité de la vitamine D à forte dose sur des SEP précoces
L’étude D-Lay MS, essai randomisé, en double aveugle, contrôlé versus placebo, a évalué l’efficacité d’une supplémentation en vitamine D à haute dose (100 000 UI de cholecalciferol toutes les deux semaines) chez 316 patients âgés de 18 à 55 ans, atteints de CIS récent (moins de 90 jours).
Selon les résultats publiés dans le JAMA, après 24 mois, l’activité de la maladie, évaluée sur les rechutes et les nouvelles lésions à l’IRM, est significativement réduite chez les patients sous vitamine D (60,3 % vs 74,1 % sous placebo ; HR 0,66 ; IC95 % [0,50-0,87], p = 0,004). De plus, le temps médian avant reprise d'activité est significativement prolongé (432 jours vs 224 jours, p = 0,003).
Pas d’efficacité sur la progression du handicap ou les rechutes
Les critères secondaires radiologiques confirment les bénéfices de la vitamine D avec une réduction significative de l’activité globale à l’IRM (57,1 % vs 65,3 %, HR 0,71 ; p = 0,02), du nombre de nouvelles lésions T2 (46,2 % vs 59,2 %, HR 0,61 ; p = 0,003), et particulièrement des lésions rehaussées par gadolinium (18,6 % vs 34,0 %, HR 0,47 ; p = 0,001).
Cependant, aucun bénéfice significatif sur les critères cliniques secondaires tels que les rechutes (17,9 % vs 21,8 % sous placebo, p = 0,16) ou la progression du handicap (EDSS) n’a été observé. De plus, les analyses de sous-groupes (respect des nouveaux critères McDonald 2017, niveau initial de carence en vitamine D) convergent pour souligner l’impact potentiellement bénéfique de la vitamine D, en particulier chez les patients très carencés (<30 nmol/L). Concernant la tolérance, 17 patients du groupe vitamine D et 13 du groupe placebo ont déclaré des événements indésirables graves, aucun n’étant imputable directement à la supplémentation.
Un un essai contrôlé, randomisé et en double aveugle sur 7 ans
L'étude D-Lay MS est un essai contrôlé, randomisé et en double aveugle, mené sur une période de sept ans (2013-2020) dans 36 centres spécialisés français entre 2013 et 2020. Il a inclus une population représentative de la SEP débutante, avec des critères diagnostiques précis (IRM selon les critères McDonald 2010 et présence de bandes oligoclonales dans le liquide céphalorachidien). Une IRM cérébrale et médullaire a été effectuée à l’inclusion et à 3, 12 et 24 mois, permettant de repérer toute nouvelle lésion inflammatoire et d’anticiper le basculement vers un traitement immunomodulateur conventionnel si nécessaire.
Les participants ont reçu, pendant 24 mois, soit 100 000 UI de cholecalciférol toutes les deux semaines (n=163), soit un placebo (n=153). L’objectif principal était de déterminer la survenue d’une activité de la maladie (rechute et/ou nouvelles lésions IRM). La méthodologie rigoureuse (randomisation, double aveugle, suivi IRM à 3, 12 et 24 mois) garantit la validité des résultats malgré certaines limites, notamment l’absence de centralisation du diagnostic des rechutes et une évaluation trop espacée du score EDSS limitant la détection fine d’une progression du handicap.
Ces résultats ont des implications cliniques importantes selon les auteurs : la supplémentation en vitamine D à forte dose pourrait devenir un moyen thérapeutique initial en add-on ou dans des contextes où l'accès aux traitements immunomodulateurs classiques est limité ou retardé. La bonne tolérance observée ouvre la voie à des essais futurs en association avec d’autres traitements immunomodulateurs pour potentialiser leur efficacité. D'autres études à plus grande échelle, intégrant un suivi plus fréquent des critères cliniques et une centralisation des lectures d’IRM, sont nécessaires pour confirmer et préciser ces bénéfices potentiels.