Cardiologie

Thrombose : rareté génétique du déficit en protéine S mais risque thrombotique majeur

Deux larges études de biobanques confirment que le déficit hétérozygote en protéine S d’origine génétique (Type I) est rare mais fortement associé à un risque accru de thrombose veineuse, pouvant justifier d'un traitement anticoagulant. En revanche, la majorité des thromboses associées aux autres types de déficit en protéine S serait liée à d’autres facteurs, avec une élévation moindre du risque.

  • 04 Mar 2025
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    La protéine S, vitamine K dépendante, intervient comme régulateur négatif de la coagulation en synergie avec la protéine C et 40% de la protéine S circule librement. Ses déficits héréditaires, classés en trois types : quantitatif ou type I (déficit antigénique et d’activité), qualitatif ou type 2 II (antigène normal mais faible activité) et déficit en protéine S libre ou type III (protéine S totale normale), étaient historiquement liés à un risque discordant de thrombose veineuse (MTEV) selon les atudes. Toutefois, les données antérieures sur l’ampleur de ce risque et sa réelle fréquence en population générale restaient conflictuelles, en raison de séries limitées, d’hétérogénéité dans les dosages et de potentiels biais de sélection.

    À partir de deux grandes cohortes (UK Biobank, n = 426 436 ; All of Us, n = 204 006) et grâce au séquençage à haut débit (exome ou génome entier), il a été possible d’identifier des variants « perte de fonction » au niveau du gène PROS1 (FIS=1, incluant les variants non-sens, frameshift, ou impactant un site d’épissage essentiel) et d’en quantifier la prévalence. Selon les résultats publiés dans le JAMA, la prévalence du déficit hétérozygote en protéine S d’origine génétique (Type I) apparaît très faible (≈0,009 % à 0,018 % selon la cohorte), mais associée à une hausse marquée du risque de MTEV (OR≈14,01 ; p9.09x10-11). Les personnes porteuses de ces variants ont en moyenne un taux de protéine S totale réduit de 50%. Par contraste, les variants faux-sens (FIS≥0,7) sont plus fréquents (environ 0,20 %) et n’induisent qu’une diminution marginale de la protéine S, associée à un risque accru plus modéré (OR≈2).

    Pas d’association de PROS1 avec les thromboses artérielles

    Les analyses, explorant également la relation entre la protéine S et plusieurs formes de thromboses artérielles (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ischémique non cardio-embolique, artériopathie périphérique), n’ont pas montré d’association significative avec le génotype PROS1, même dans les formes hétérozygotes à forte perte de fonction. En revanche, la présence de faibles taux circulants de protéine S se trouve associée à l’artériopathie périphérique, laissant penser qu’une protéine S abaissée pourrait refléter un facteur de risque vasculaire d’ordre global, sans lien strictement causal avec la mutation.

    Ces travaux soulignent également que la plupart des personnes ayant un déficit en protéine S (taux plasmatiques bas) ne portent pas de variants codants pathogènes dans PROS1 : l’impact de facteurs acquis, environnementaux ou modulés par d’autres gènes semble donc majoritaire dans ces cas. Enfin, les analyses en sous-groupes (notamment selon l’ascendance) confirment la robustesse de ces résultats dans des populations d’origines diverses, même si les effectifs de personnes non européennes demeurent plus restreints.

    Un séquençage génétique sur 2 biobanques

    Ce travail repose sur l’exploitation de biobanques de grande envergure, intégrant séquençage germinal, données cliniques longitudinales et dosages protéomiques. L’approche multicentrique et la taille d’échantillon confèrent à l’étude une puissance inégalée pour estimer la prévalence et l’effet des variants rares. Néanmoins, l’absence de mesure séparée de la forme libre de la protéine S, de données sur l’historique familial précis ou encore de prise en compte complète des cofacteurs (comorbidités, médicaments, etc.) constitue une limite, tout comme la sous-représentation de certaines populations.

    Selon les auteurs, ces résultats réévaluent l’importance du déficit héréditaire quantitatif (type I) : bien que rare (environ 1 sur 10 000), il confère un risque de MTEV élevé, proche de celui associé au déficit en antithrombine. Ainsi, chez des patients avec protéine S totale très basse, l’identification d’un variant PROS1 délétère pourrait justifier d’une anticoagulation prolongée et un suivi renforcé. Inversement, un taux abaissé en protéine S en dehors de cette altération génique majeure n’exclut pas un risque accru de MTEV, mais ce risque serait globalement plus modéré et pourrait refléter des facteurs acquis.

    À l’avenir, il apparaît pertinent de coupler systématiquement le dosage de la protéine S à la détection ciblée de variants délétères dans PROS1 pour mieux hiérarchiser le risque. Les recherches futures pourraient porter sur l’identification de nouveaux variants faux-sens ou d’interactions épigénétiques susceptibles d’affecter la protéine S. Enfin, l’exploration d’autres voies physiopathologiques (inflammation vasculaire, dérégulations du complément) mérite aussi d’être approfondie, compte tenu du rôle pivot de la protéine S dans la régulation de la coagulation.

     

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    JDF

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