Médecine générale

Cancer : excès de mortalité en France en lien avec le manque d'accès aux généralistes

Une moindre accessibilité aux généralistes est associée à une surmortalité chez les patients atteints de cancers en France, en particulier pour le cancer du sein. Les inégalités socioéconomiques et géographiques restent donc un enjeu crucial en termes de politique de santé publique.

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  • 04 Mar 2025
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    Le cancer constitue la première cause de mortalité prématurée en France et dans la plupart des pays industrialisés. Son incidence, estimée à plus de 260 cas pour 100 000 habitants (les taux variant entre hommes et femmes), et les taux de survie très hétérogènes selon la localisation (de 93% pour le cancer de la prostate à 11% pour le cancer du pancréas) illustrent la prévalence et la gravité de cette pathologie.

    Dans ce contexte, de nombreux travaux ont démontré l’impact des facteurs cliniques et socioéconomiques sur la survie en cancérologie. En revanche, peu d’études se sont penchées sur l’accessibilité aux soins, en particulier aux soins primaires (médecins généralistes et pharmaciens), selon les régions. Dans cette étude menée à partir des registres français de cancers (21 registres, période 2013–2015), 151 984 cas correspondant aux dix cancers les plus fréquents ont été analysés. L’accessibilité aux médecins généralistes a été estimée par deux indicateurs distincts : l’indice d’Accessibilité Potentielle Localisée (APL, accès aux médecins généralistes) et l’indice SCALe (accès à l’éventail des soignants de premier recours).

    Les résultats, publiés dans la revue Cancer, montrent que les patients qui résident dans des zones où l’accessibilité est moindre ont une surmortalité significative pour certaines localisations très fréquentes : cancers du sein (chez la femme), du poumon (chez l’homme), du foie (homme et femme) et du côlon-rectum (homme). Au total, ces quatre cancers représentent 46% du total des cas inclus. Le cancer du sein chez la femme est celui pour lequel un accès insuffisant aux généralistes exerce l’impact le plus marqué : le ratio d’excès de risque atteint 1,69 (IC à 95 % : 1,20–2,38) un an après le diagnostic et 2,26 (IC à 95 % : 1,07–4,80) cinq ans après.

    Un impact majeur sauf quand un spécialiste qui est impliqué dans le dépistage

    Les autres résultats ont porté sur l’ensemble des dix localisations et confirment l’existence d’un gradient défavorable pour plusieurs d’entre elles, mais pas toutes : la surmortalité associée à une moindre accessibilité n’est pas retrouvée, par exemple, pour le mélanome cutané ou les cancers des voies aérodigestives supérieures, où la détection précoce repose davantage sur la consultation spécialisée (dermatologue, ORL...). De même, le niveau socioéconomique faible demeure un déterminant majeur : dans tous les modèles statistiques, la variable socioéconomique est sélectionnée en premier lieu, témoignant d’un poids encore supérieur à celui de l’accessibilité géographique.

    En termes d’effets confondants, l’absence de données détaillées sur les comorbidités, les traitements reçus et leur lieu de réalisation constitue une limite. Les travaux antérieurs suggèrent pourtant que l’impact de l’accessibilité sur la morbi-mortalité peut s’exercer par un retard au diagnostic, une moindre adhérence aux examens de dépistage (sein et côlon-rectum notamment) ou encore par une difficulté de suivi lors du retour à domicile. Dans la présente étude, c’est précisément la mise en évidence d’une surmortalité pour quatre localisations très prévalentes qui souligne l’importance clinique et épidémiologique de ces inégalités.

    Les registres des cancers de 21 départements français

    L’analyse a reposé sur des données exhaustives issues de registres de cancers dans 21 départements français, couvrant ainsi un échantillon large et représentatif (hors Paris, Lyon, Marseille). L’utilisation de la surmortalité plutôt que de la mortalité globale a permis d’isoler la part strictement liée au cancer. Deux indices d’accessibilité ont été mobilisés : l’APL, qui concerne spécifiquement les médecins généralistes, et l’indice SCALe, intégrant un éventail plus large de soignants de premier recours (infirmiers, kinésithérapeutes...) et même certains spécialistes pouvant être consultés directement (tels que les gynécologues). Cette approche combinant distanciation géographique, offre de soins et densité de population (pression des usagers) s’avère plus précise qu’une simple mesure de distance ou de temps de trajet.

    Selon les auteurs, la mise en évidence d’une association entre faible accessibilité aux soins primaires et excès de mortalité dans différents cancers fréquents (représentant près de la moitié des cas) doit inciter à renforcer l’offre de premier recours, en particulier dans les zones sous-dotées. Les politiques de santé publiques visant à inciter les professionnels à s’installer dans ces territoires, à développer la télémédecine ou à améliorer le remboursement des parcours coordonnés, peuvent être des pistes à explorer et à évaluer.

    Par ailleurs, des études complémentaires ciblant le rôle des spécialistes (par exemple pour le diagnostic précoce du mélanome ou des cancers ORL) seraient utiles pour mieux cerner l’ensemble des déterminants de la survie en cancérologie. Dans l’immédiat, il apparaît primordial de considérer simultanément les inégalités socioéconomiques et territoriales pour optimiser la prise en charge et, in fine, améliorer la survie des patients atteints de cancers en France.

     

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    JDF

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