Cardiologie

Goutte : la colchicine prescrite en prévention des crises a aussi un effet cardioprotecteur 

Chez des patients atteints de goutte et initiant un traitement hypouricémiant, la prescription prophylactique de colchicine (≥ 21 jours) réduirait significativement le risque d’événements cardiovasculaires. Ce bénéfice cardiovasculaire s’ajouterait donc à la prévention des accès aigus de goutte.

  • 27 Fév 2025
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    La goutte, la plus fréquente des arthrites inflammatoires dans les pays industrialisés (2,5% à 5% de la population adulte), est la conséquence d’un excès chronique d’acide urique entraînant la formation de cristaux d’urate monosodique dans divers tissus et les articulations. L’instauration d’un traitement hypouricémiant (par exemple allopurinol ou febuxostat) prévient les crises articulaires aiguës à long terme, mais peut en déclencher dans les premiers mois, nécessitant une prophylaxie initiale par colchicine. Or, il existe par ailleurs un lien temporel entre poussées de goutte et évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral).

    Cette étude rétrospective de cohorte dans une base de soins primaires (CPRD Aurum, Angleterre) visait donc à déterminer si la prophylaxie par colchicine au moment de l’initiation du traitement hypouricémiant (≥21 jours) pouvait réduire le risque de complications cardiovasculaires sur 180 jours. Parmi 99 800 personnes atteintes de goutte et commençant pour la première fois un traitement hypouricémiant, 16 028 (16,1%) ont reçu une prescription de prophylaxie par colchicine. Le critère principal retenu était un critère composite associant infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral (mortel ou non).

    Selon les résultats publiés dans The Lancet Rheumatology, et après ajustement par score de propension, le taux d’événements cardiovasculaires s’établirait à 28,8 pour 1000 personnes-années (IC à 95 % : 25,2–33,2) chez les patients recevant la colchicine contre 35,3 pour 1000 personnes-années (33,0–37,9) sans prophylaxie, soit un différentiel de –6,5 (IC à 95 % : –9,4 à –3,6) pour 1000 personnes-années et un hazard ratio (HR) de 0,82 (0,69–0,94) en analyse en intention de traiter.

    Tendance identique dans les analyses en sous-groupes

    Les analyses complémentaires confirment cet effet protecteur, avec des résultats cohérents dans les analyses per-protocole (différentiel de –3,9 événements cardiovasculaires/1000 personnes-années), ainsi que dans les analyses stratifiées selon la présence ou non d’antécédents cardiovasculaires. Les bénéfices persistent pour différents critères secondaires et ne semblent pas être modulés par l’existence ou non de comorbidités associées. En outre, l’absence de lien avec des « contrôles négatifs » (critères santé a priori non impactés par la colchicine) et la solidité statistique soutiennent la validité interne de l’étude.

    Sur le plan de la tolérance, la durée moyenne d’administration de la colchicine a été d’environ 50 jours : aucune majoration des effets indésirables n’a été soulignée, mais l’étude ne visait pas à détailler l’innocuité exhaustive de la molécule. À noter également que 16% seulement des patients ont reçu une prescription de prophylaxie, témoignant d’un sous-recours persistant malgré les recommandations internationales.

    Une large base de données de médecine générale courant sur 25 ans

    Les auteurs ont exploité les données de la CPRD Aurum (Royaume-Uni), couvrant une période de 25 ans, avec un suivi clinique de routine consigné dans les dossiers de médecine générale, enrichi par les données d’hospitalisation et de mortalité. Grâce à un schéma « new user design » et à la prise en compte de multiples covariables (sévérité de la goutte, facteurs de risque cardiovasculaire, traitements associés), le potentiel de confusion résiduelle est limité, bien que non nul. La grande taille de l’échantillon confère une puissance statistique notable et une bonne représentativité des patients britanniques, ce qui soutient la généralisation des résultats à d’autres populations comparables.

    Selon les auteurs, ces conclusions renforcent les recommandations en faveur d’une prophylaxie systématique des crises articulaires aiguës de goutte au début d’un traitement hypouricémiant, en soulignant le possible bénéfice cardiovasculaire additionnel. Sur le plan cardiovasculaire, cette étude renforce le corpus de données en faveur de l’impact positif de la colchicine en prévention chez des patients à risque cardiovasculaire alors que différents essais ont donné des résultats contradictoires. Un essai clinique prospectif pourrait explorer la place d’anti-inflammatoires alternatifs (AINS, inhibiteurs de l’IL-1) et mieux caractériser la durée optimale et le profil de tolérance au long cours de la colchicine.

     

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    JDF

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