Rhumatologie
Arthrose des mains : le syndrome métabolique aggrave bien la douleur d’arthrose digitale
Dans l’arthrose des mains, l’existence d’un syndrome métabolique s’associe à une intensification du niveau de la douleur de polyarthrose, indépendamment des lésions articulaires et de l’IMC. Ces données soulignent la dimension systémique du syndrome métabolique dans la genèse de la douleur arthrosique et la nécessité de sa prise en compte lors du traitement d’une polyarthrose des mains.
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- eyepark/istock
L’arthrose digitale des mains, ou polyarthrose, se caractérise par des douleurs très particulières et intenses, une raideur et une altération de la fonction de la main, ainsi qu’une diminution de la qualité de vie. Elle peut s’intégrer dans des formes plus étendues d’arthrose, touchant simultanément d’autres sites (genou, hanche). À ce jour, le traitement curatif fait défaut, d’où l’intérêt majeur de comprendre et de cibler les mécanismes douloureux, particulièrement lorsque la douleur devient chronique et majeure.
Parallèlement, le syndrome métabolique, défini par la présence de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire incluant un tour de taille élevé, une hypertriglycéridémie, un faible HDL-cholestérol, une hypertension artérielle et une hyperglycémie à jeun, suscite un intérêt croissant, notamment pour son impact systémique via une « méta-inflammation » de faible intensité. Alors que le rôle de l’obésité est bien documenté dans l’arthrose du genou, l’étude de l’arthrose de la main (non portante) se prête mieux à l’analyse de la contribution propre du syndrome métabolique.
Dans le cadre de la cohorte DIGICOD, dont les résultats sont publiés dans Osteoarthritis and Cartilage Open, 352 patients (85 % de femmes, âge moyen 66,4 ± 7,4 ans) avec une polyarthrose des mains ont été évalués afin de déterminer l’association entre le syndrome métabolique et la douleur. Le syndrome métabolique, présent chez 36% des patients, est associé à un risque accru de douleur mesurée à l’échelle visuelle analogique (EVA) en situation d’activité (OR = 1,61 ; IC à 95% [1,02–2,57]) et au score de douleur AIMS2 (OR = 1,85 ; IC à 95% [1,14–2,99]). Parallèlement, ni la sévérité radiologique ni le BMI ne semblent expliquer cet excès de douleur.
Un lien significatif avec l’hypertriglycéridémie
En complément, l’analyse de diverses échelles de patient-reported outcomes (PROMs) confirme un surcroît de douleurs dans le groupe syndrome métabolique, qu’il s’agisse de la douleur spécifiquement localisée à la main (AUSCAN, ajusté : OR = 1,66 ; IC à 95% [1,05–2,62]) ou d’une douleur plus globale (AIMS2). Après ajustement l’anxiété et la dépression (score HAD), la force de l’association pour AUSCAN reste élevée mais franchit de justesse le seuil de significativité (OR = 1,56 ; IC à 95% [0,98–2,48]), suggérant néanmoins une part d’influence psychologique.
Parmi les composantes individuelles du syndrome métabolique, l’hypertriglycéridémie est significativement corrélée à la douleur (score AIMS2 : OR = 2,58 ; IC à 95% [1,09–6,07]). En revanche, aucune autre anomalie métabolique (hyperglycémie, faible HDL, HTA, tour de taille) prise isolément ne montre de lien robuste avec la douleur, ce qui milite pour un effet cumulatif global du syndrome métabolique.
Analyse transversale de la cohorte DIGICOD
Ces résultats proviennent d’une analyse transversale de la cohorte DIGICOD, structurée en milieu hospitalier, ce qui apporte une caractérisation fine de la polyarthrose des mains (scores radiologiques, plusieurs PROMs) mais peut limiter la généralisation des conclusions à l’ensemble de la population. L’approche retenue pour le diagnostic de syndrome métabolique reposait sur les critères ATP III, validés en cardiologie.
L’exclusion des données incomplètes évite des biais d’imputation mais peut réduire la diversité des patients inclus. De plus, le fait de dichotomiser certains paramètres (comme la douleur selon une médiane) facilite l’interprétation clinique, tout en restant moins précis qu’une analyse continue.
En pratique
Selon les auteurs, la mise en évidence d’un effet du syndrome métabolique sur la douleur arthrosique souligne la nécessité d’une prise en charge globale intégrant la dimension métabolique. Bien que l’IMC n’explique pas ici l’aggravation douloureuse, les désordres inflammatoires de bas grade associés au syndrome métabolique (adipokines, CRP) pourraient contribuer à un retentissement douloureux accru. Cette hypothèse encourage, dans le suivi des patients arthrosiques, une évaluation élargie du statut métabolique et, possiblement, l’ajout de thérapies ciblant l’inflammation systémique.
Au-delà, des travaux complémentaires, idéalement prospectifs et intégrant des mesures plus fines de la nociplasticité (quantitative sensory testing), permettraient d’élucider les mécanismes précis reliant le syndrome métabolique à la douleur. Le développement d’études contrôlées visant à corriger le syndrome métabolique (via l’activité physique, l’alimentation, ou des approches pharmacologiques) pourrait éclairer l’éventuel bénéfice sur la douleur arthrosique, sachant que de petites études ont rapporté que la chirurgie bariatrique améliorait la douleur et l’évolutivité de la polyarthrose des mains.
En définitive, l’association mise en évidence dans la cohorte DIGICOD ouvre la voie à une prise en charge combinée, ciblant à la fois l’arthrose digitale et le syndrome métabolique, pour mieux soulager les symptômes et freiner l’impact de cette maladie sur la qualité de vie.