Psychiatrie

Trouble anxieux : efficacité démontrée des antidépresseurs sur le court terme

Les antidépresseurs, notamment les ISRS et ISRSN, montrent un bénéfice clair sur les symptômes du trouble anxieux généralisé (TAG) par rapport au placebo, avec un taux de réponse significativement plus élevé. Les effets indésirables restent gérables sur le court terme, mais l’absence de données à long terme et chez les patients présentant des comorbidités psychiatriques souligne la nécessité d’études plus adaptées au monde réel et sur le long terme.

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  • 30 Jan 2025
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    Le trouble anxieux généralisé (TAG) se caractérise par une anxiété intense et un souci excessif au sujet d’événements du quotidien. Affectant des millions de personnes dans le monde, il touche près de deux fois plus de femmes que d’hommes. En plus des psychothérapies, divers traitements pharmacologiques sont disponibles, parmi lesquels les antidépresseurs (ISRS, ISRSN) représentent une approche reconnue pour soulager ces symptômes. Toutefois, des doutes persistent chez certains professionnels de santé quant à l’usage des « antidépresseurs » en dehors du contexte dépressif, d’où l’importance d’une nouvelle synthèse de la littérature.

    Une revue Cochrane récente a rassemblé 37 essais contrôlés randomisés, totalisant plus de 12 000 patients adultes souffrant de trouble anxieux généralisé sans comorbidités médicales majeures. La durée de traitement allait de 4 à 28 semaines, majoritairement dans des pays à revenu élevé. Le résultat principal montre que les antidépresseurs offrent un taux de réponse supérieur de 41% par rapport au placebo (RR = 1,41 ; IC 95 % : 1,29‑1,55), soit un NNT (number needed to treat) de 7 pour obtenir un bénéfice clinique supplémentaire. L’analyse confirme aussi une acceptabilité similaire : le taux global d’abandon (quelle que soit la raison) ne diffère pas entre l’antidépresseur et le placebo (RR = 1,03). En revanche, les arrêts pour manque d’efficacité sont moins fréquents dans le groupe antidépresseur, tandis que ceux dus aux effets indésirables sont plus fréquents (NNTH d’environ 17).

    Bénéfice globalement similaire quel que soit l’antidépresseur

    Toutes les classes d’antidépresseurs évaluées (ISRS, ISRSN, tricycliques pour certains essais plus anciens) affichent un bénéfice globalement similaire. Des différences peuvent exister selon le profil du patient, mais la certitude de ces comparaisons inter-classes est jugée « élevée ». Les auteurs constatent donc un effet robustement ancré sur la réduction des symptômes de TAG, mesuré notamment par l’échelle HAM-A (Hamilton Anxiety Rating Scale), avec au moins 50 % d’amélioration.

    Du point de vue de la tolérance, les effets secondaires les plus rapportés sont d’ordre gastro-intestinal (nausées, diarrhées), insomnies ou encore manifestations d’agitation transitoire. Malgré une augmentation du risque d’abandon lié aux effets indésirables (RR = 2,18), la majorité des essais notent une bonne adhésion globale. Aucune différence majeure n’a été relevée entre les sous-populations selon l’âge ou le sexe, mais l’étude signale que la plupart des patients inclus étaient « typiques » d’un TAG modéré à sévère sans comorbidités psychiatriques importantes (comme la dépression majeure ou le trouble bipolaire). Enfin, la revue pointe le manque de données au-delà de 12 semaines : peu d’essais suivent les participants sur une période prolongée, rendant l’innocuité et l’efficacité à long terme incertaines.

    Une démarche Cochrane habituelle sur les essais randomisés

    La présente synthèse est issue d’une démarche Cochrane rigoureuse : recherche dans plusieurs bases (CENTRAL, MEDLINE, Embase, PsycINFO) et registres d’essais, sans restriction de langue. Les essais thérapeutiques randomisés comparaient directement antidépresseur (différents types ou dosages) au placebo, avec randomisation et double insu dans la majorité des cas. Le risque de biais a été globalement faible, et le niveau de preuve final (GRADE) est élevé pour la plupart des analyses (réponse au traitement, acceptabilité). Néanmoins, trois limites majeures se dégagent : leur durée est relativement courte (4 à 28 semaines) alors qu’en pratique, le trouble anxieux généralisé est souvent chronique et les antidépresseurs peuvent être pris plusieurs années. La majorité des participants n’avaient pas de troubles psychiatriques associés, ce qui ne reflète pas fidèlement la réalité clinique où les comorbidités sont fréquentes (dépression, troubles anxieux multiples….). La plupart des essais étaient sponsorisés par l’industrie, ce qui peut introduire un biais dans la publication des résultats.

    En pratique, les antidépresseurs demeurent un pilier thérapeutique important du TAG, en particulier pour les patients qui ne répondent pas ou ne tolèrent pas d’autres approches (thérapies cognitivo-comportementales, etc.). L’acceptabilité globale (taux d’abandon total similaire au placebo) suggère un bon rapport bénéfice-risque à court et moyen terme. Les médecins doivent cependant discuter des effets secondaires et évaluer périodiquement l’intérêt de poursuivre au-delà de 3 à 6 mois, faute de preuves solides pour le long terme.

    D’autres essais sont nécessaires

    Les auteurs soulignent donc la nécessité d’essais randomisés de plus longue durée (> 1 an) pour clarifier l’efficacité durable et les effets indésirables possibles (sédation, effets métaboliques, impacts cognitifs, risque de sevrage). Ces essais devraient inclure des patients ayant des comorbidités psychiatriques (trouble panique, phobie sociale, dépression coexistant) et somatiques, plus représentatives de la pratique quotidienne. Il serait intéressant d’en profiter pour approfondir la recherche des facteurs prédictifs d’une bonne réponse (variables sociodémographiques, biomarqueurs, historique familial) et comparer directement certains antidépresseurs (ex. ISRS vs ISRSN) sur un large échantillon.

    En conclusion, cette revue confirme le bénéfice des antidépresseurs (particulièrement ISRS/ISRSN) dans le trouble anxieux généralisé non comorbide, avec un effet notable sur la réduction des symptômes et un profil de tolérance satisfaisant à court terme. Les praticiens devraient intégrer ces données pour rassurer les patients sur la légitimité d’un traitement antidépresseur dans l’anxiété généralisée, tout en continuant à adapter les schémas thérapeutiques en fonction de la réponse clinique et du risque d’effets secondaires. Cependant, un approfondissement de la recherche sur le long terme et sur les cas complexes est impératif pour optimiser la prise en charge globale du trouble anxieux généralisé.

     

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