Rhumatologie
Lombalgie chronique : le Qigong validé dans une étude chez les anciens combattants
Dans un essai contrôlé randomisé pilote, la pratique du Qigong pendant huit semaines réduit significativement la douleur lombaire chronique et améliore la qualité du sommeil chez des vétérans. Ces données suggèrent qu’il s’agit d’une approche non médicamenteuse prometteuse pour gérer la douleur et certains troubles associés.
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La douleur chronique touche entre 40 % et 70 % des vétérans américains et représente l’une des principales causes d’invalidité dans cette population, avec la lombalgie comme forme la plus prévalente. Les conséquences sont vastes : retentissement sur la qualité de vie, comorbidités psychiques (dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique), surconsommation d’antalgiques, et risques accrus d’addiction et de surdosage. Dans ce contexte, un modèle de prise en charge non pharmacologique fait sens, d’autant plus que les vétérans sont souvent confrontés à des défis spécifiques liés à leur service militaire (traumatismes crâniens, douleurs musculosquelettiques complexes).
Afin d’explorer une approche globale, une équipe de chercheurs a évalué l’efficacité préliminaire du Qigong, pratique chinoise traditionnelle axée sur des mouvements doux, la respiration contrôlée et la méditation. Au cours d’un essai pilote de huit semaines comparant un groupe « Qigong » à un groupe témoin (liste d’attente), les participants ayant suivi le programme actif ont présenté des améliorations significatives de plusieurs marqueurs de la douleur : intensité douloureuse (p = 0,047), interférence de la douleur avec les activités (p = 0,040) et handicap lié à la lombalgie (p = 0,027). Par ailleurs, le trouble du sommeil a nettement régressé dans le groupe qigong (p = 0,002), point essentiel pour des patients fréquemment impactés par l’insomnie ou un sommeil non récupérateur. Les résultats sont publiés dans Pain Management Nursing.
Une réduction associée de l’inflammation
Sur le plan psychosocial, l’intervention n’a pas généré de différence statistiquement significative en termes de dépression, d’anxiété ou de participation sociale, bien qu’une tendance positive ait été notée. En revanche, l’analyse biologique a révélé des corrélations notables : par exemple, une association entre un niveau élevé de TNF (tumor necrosis factor) et une moins bonne fonction physique, ou encore un lien entre l’interleukine 8 (IL-8) et le handicap douloureux et les symptômes de stress post-traumatique.
Ces données suggèrent qu’une réduction de l’inflammation pourrait contribuer à l’amélioration de la symptomatologie douloureuse, voire influer sur certains aspects de la santé mentale. Sur le plan de la tolérance, la pratique du Qigong a été bien acceptée et n’a pas engendré d’effets indésirables majeurs, ce qui renforce l’intérêt pour cette approche complémentaire chez des vétérans potentiellement exposés aux complications liées aux traitements opioïdes.
Une étude comparative prospective
L’étude s’est appuyée sur un protocole longitudinal randomisé : des vétérans de 40 à 70 ans avec lombalgie chronique ont été répartis en deux groupes (qigong versus liste d’attente). Les investigateurs ont mesuré l’intensité douloureuse, l’impact fonctionnel, les biomarqueurs inflammatoires et différents paramètres psychosociaux (sommeil, stress post-traumatique, humeur) à plusieurs moments clés. Le nombre restreint de participants et la spécificité de la cohorte imposent une prudence dans la généralisation des résultats, mais ces données constituent une base solide pour estimer l’ampleur d’effet et préparer des études cliniques de plus grande envergure.
Au vu des résultats, l’intégration du Qigong dans la prise en charge de la lombalgie chronique chez les vétérans, comme dans d’autres population, semble prometteuse. Cette approche pourrait réduire le recours excessif aux traitements pharmacologiques, améliorer la qualité de vie et offrir une meilleure gestion de la douleur en complément des soins usuels.
À l’avenir, des travaux randomisés à plus large échelle, incluant des analyses de sous-groupes (type de lombalgie, sévérité des comorbidités psychiatriques), permettront de préciser les mécanismes d’action et d’optimiser la mise en œuvre clinique de cette pratique. Les perspectives incluent également l’adaptation du Qigong dans les programmes de réhabilitation globale, afin d’améliorer durablement la santé physique et psychologique des vétérans souffrant de lombalgie chronique.