Rhumatologie

Pseudo-polyarthrite rhizomélique : un anti-JAK permettrait d’éviter toute corticothérapie

La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR), habituellement traitée par une corticothérapie orale prolongée, pourrait bénéficier d’une stratégie sans corticoïdes avec le baricitinib : environ 8 patients sur 10 obtiennent une activité de la maladie faible à 12 semaines sans recours prolongé aux corticoïdes selon une étude randomisée.

  • Ridofranz/istock
  • 19 Jan 2025
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    La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) est une maladie inflammatoire non-autolimitante caractérisée par des douleurs et une raideur inflammatoires des ceintures scapulaire et pelvienne, se manifestant après 50 ans. Son incidence cumulée peut atteindre jusqu’à 2,4% chez la femme et 1,7% chez l’homme, avec une prédominance dans les populations de type européen et aux latitudes élevées. Le diagnostic repose sur la présence de symptômes typiques et des critères biologiques (dont l’élévation de la CRP), tels que décrits par l’ACR–EULAR, une fois éliminés les diagnostics différentiels.

    Sur le plan thérapeutique, les corticoïdes oraux sont le traitement de référence ; ils sont introduits à une posologie entre 12,5 et 25 mg/jour de prednisone ou prednisolone, puis réduits progressivement. Toutefois, la iatrogénie associée à leur utilisation prolongée (ostéoporose, infections, troubles métaboliques) soulève la question de stratégies alternatives. Des anti-inflammatoires non-stéroïdiens sont parfois utilisés dans les formes modérées, mais ils ne préviendraient pas le risque d’évolution vers une maladie de Horton.

    Première étude randomisée avec un anti-JAK

    Dans l’essai publié dans The Lancet Rheumatology, les investigateurs ont évalué le baricitinib, un inhibiteur sélectif des voies JAK1/JAK2, afin de vérifier s’il peut remplacer la corticothérapie orale dans la PPR récente (< 6 mois). Au total, 34 patients naïfs de corticoïdes ont été randomisés en double aveugle (1:1) pour recevoir, soit 4 mg de baricitinib, soit un placebo, pendant 12 semaines, avant de passer à 2 mg de baricitinib ou un placebo pour 12 semaines supplémentaires. Les patients pouvaient recevoir, en « rescue », des injections sous-deltoïdiennes de corticoïdes, voire un recours temporaire aux corticoïdes oraux en cas d’activité trop élevée. Le critère principal était l’obtention d’un score CRP PMR-AS ≤10 à 12 semaines, sans corticoïdes oraux.

    Les résultats montrent que 78% des patients sous baricitinib (14/18) ont atteint ce critère contre seulement 13 % (2/15) sous placebo (p<0,0001 ajusté). Les effets indésirables rapportés étaient principalement des troubles musculosquelettiques (72 % contre 25 % dans le groupe placebo), sans nouveau signal de sécurité majeur. Un seul des 18 participants du groupe baricitinib a eu besoin d'un traitement de secours à base de corticoïdes oraux (dose cumulative moyenne de 161 mg), contre dix des 16 participants du groupe placebo (dose cumulative moyenne de 636,6 mg).

    Une étude versus placebo sur 36 semaines

    Après la phase initiale à 4 mg, la dose de baricitinib a été réduite à 2 mg dès la 13ème semaine, sans réapparition de poussées jusqu’à la 24ème semaine, puis arrêt du traitement et suivi jusqu’à 36 semaines. Aucun participant n'a développé d'artérite à cellules géantes et aucune rechute n’a été constatée à la fin de la période d’observation de 36 semaines, mais l’échantillon reste de taille modeste. Cela constitue la première démonstration clinique qu’il est possible de contrôler la PPR débutante sans recourir à des corticoïdes oraux, alors que les travaux antérieurs visaient surtout à diminuer la dose cumulée de corticoïdes sans les supprimer.

    Sur le plan de la tolérance, on note une incidence plus élevée d’événements musculosquelettiques (douleurs, raideurs...) dans le groupe baricitinib (13/18) comparé au placebo (4/16). Aucun décès n’a été recensé, ni de complications cardiovasculaires majeures. Comme pour les autres inhibiteurs de JAK, la prudence est néanmoins de mise chez les patients présentant des comorbidités cardiovasculaires ou un terrain à risque thromboembolique.

    Un essai contrôlé, randomisé, en double aveugle, multicentrique

    Ces données proviennent d’un essai contrôlé, randomisé, en double aveugle, réalisé dans six centres de référence français. Les patients devaient avoir une PPR récente, non préalablement traitée par corticoïdes, et justifier d’un score CRP PMR-AS >17. Bien que seulement 34 patients aient été inclus, le suivi rigoureux (36 semaines) et l’absence de sorties d’essai renforcent la crédibilité du résultat initial. Toutefois, la faible taille de l’échantillon ne permet pas de conclure définitivement sur les effets indésirables rares ou à plus long terme.

    Sur le plan clinique, cette étude suggère la possibilité de prescrire un traitement anti-JAK (baricitinib) chez des patients atteints de PPR débutante, en évitant ou différant l’instauration d’une corticothérapie orale. Une telle démarche utilisant une petite molécule à large spectre anti-inflammatoire pourrait s’avérer décisive pour les patients à risque élevé de complications liées aux corticoïdes (ostéoporose, diabète, hypertension...). Cependant, le coût potentiellement élevé, la comparaison aux traitements habituellement utilisés sur le long terme, et la confirmation de l’efficacité sur de plus larges cohortes nécessitent d’autres essais. D’après les auteurs, une étude de plus grande envergure, comparant des posologies de 4 mg, 2 mg et un placebo, serait prévue, afin d’établir la dose minimale efficace et d’affiner le profil de sécurité.

    En conclusion, ce travail plaide pour l’existence d’une nouvelle option thérapeutique sans corticoïdes oraux dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique débutante. Dans un contexte où les effets indésirables de la corticothérapie restent préoccupants chez les patients âgés, la démonstration d’une efficacité et d’une relative sécurité du baricitinib ouvre une voie prometteuse qui mérite d’être confirmée par des études de plus grande ampleur avec un suivi plus prolongé.

     

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