Médecine générale
Désinformation en santé : plus qu’une nuisance, une menace sociétale
Un remarquable éditorial du Lancet fait le point sur le problème posé par la désinformation dans le domaine de la santé sur les réseaux sociaux et n’hésite pas à la qualifier de « menace sociétale ».
- kitzcorner/istock
« La mésinformation (données fausses ou trompeuses diffusées involontairement) et la désinformation (informations délibérément trompeuses) dans le domaine de la santé ne sont pas nouvelles, mais la pandémie de COVID-19 a marqué un tournant », selon The Lancet. Cette désinformation a exploité la peur, a sapé la confiance du public et a entravé l'action collective dans ce moment difficile.
Désormais, le contenu trompeur des médias sociaux imprègne tous les domaines de la santé, de la perte de poids au cancer. Ce type de « fake-news » peut conduire les patients à abandonner des traitements validés en faveur d'alternatives promues par une pléiade d’influenceurs, surtout intéressés par le profit. Elles peuvent induire des patients fragiles à ne pas se vacciner contre la grippe et à encombrer les urgences, voire à y mourir.
Selon The Lancet, la désinformation serait même devenue un instrument pour discréditer délibérément les scientifiques et les médecins à des fins politiques, avec des conséquences nuisibles pour la santé publique. La récente décision de Meta de mettre fin au fact-checking ne va pas dans le bon sens.
Une réaction plus ferme des pouvoirs publics est indispensable
Cela suggère le sentiment que cette menace n'est pas suffisamment bien gérée par les pouvoirs publics. Même si la vérification des faits n’est pas capable d’éliminer totalement les informations pernicieuses, elle fait néanmoins une différence et sa suppression ouvre la voie au pire. Les contenus générés par l'intelligence artificielle (IA) présentent des défis croissants, mais l'IA pourrait également aider les pouvoirs publics à signaler les contenus qui ne reposent sur aucune base scientifique.
La désinformation se propageant souvent plus vite que les faits, il est essentiel que ces derniers soient transmis rapidement et sans laisser la moindre place aux erreurs d'interprétation. L'Australie a l'intention d'imposer de lourdes amendes aux plateformes qui n'empêchent pas la diffusion de fausses informations. La Commission européenne a publié des recommandations sur la lutte contre la désinformation en matière de COVID-19 par le biais d'interventions comportementales ciblées. L'OMS a pris des mesures pour encourager la communication responsable d'informations sur la santé et signaler les contenus trompeurs.
Une double approche scientifique et émotionnelle
Selon The Lancet, la lutte contre la désinformation nécessite donc une approche double. Bien sûr, une démarche qui s'apparente à la lutte contre les épidémies est nécessaire : trouver et contenir la source, identifier les personnes les plus vulnérables aux effets de la désinformation et immuniser la population contre les fausses affirmations en fournissant des ressources éducatives claires. Mais la lutte contre la désinformation ne se limite pas à la simple rectification des faits et implique également de s'attaquer à la manipulation délibérée et à la manière dont les algorithmes dirigent l'attention des gens.
L'enquête britannique UK COVID-19 a souligné non seulement la valeur d'une information exacte, mais aussi l'importance centrale de la confiance et des réactions émotionnelles (espoir, scepticisme, anxiété…) pendant cette crise de santé publique. Il est essentiel de comprendre et de modifier les récits qui influencent négativement les décisions en matière de santé en tant que déterminants émotionnels de la santé. Plutôt que de se contenter de simplifier des faits complexes, les gouvernements et les communicateurs scientifiques doivent s'efforcer de veiller à ce que les messages de santé publique soient adaptés aux personnes-cibles, de fournir des informations exactes mais aussi de favoriser un environnement de confiance et de compréhension, et de reconnaître les zones d'incertitude et les inconnues.
La désinformation ne peut plus être considérée comme une simple nuisance académique, mais plutôt comme une menace sociétale.