Onco-Thoracique
Cancer du poumon : le tabac ne sera bientôt plus le 1er facteur de risque
Le tabac demeure le principal facteur de risque du cancer du poumon, mais la pollution particulaire croît de façon préoccupante. Mieux identifier les expositions locales et renforcer les politiques de prévention adaptées sont essentiels pour réduire la mortalité mondiale.
- CAHKT/istock
Le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer dans le monde. Malgré des progrès thérapeutiques notables, les variations de mortalité persistent d’un pays à l’autre.
Historiquement, le tabac demeure le facteur de risque prédominant, représentant encore 66 % des décès par cancer de la trachée, des bronches et du poumon (TBL). Cependant, l’émergence d’autres facteurs, notamment la pollution aux particules fines (PM2,5) et l’exposition à l’amiante, suscite une attention accrue : alors que la pollution atmosphérique joue un rôle grandissant dans la hausse de la mortalité au sein des pays à revenu faible ou intermédiaire, l’amiante demeure un facteur sous-estimé dans plusieurs régions du globe.
Recul du rôle du tabac, sauf chez les femmes
Dans cette étude, les auteurs ont analysé les données de la base Global Burden of Disease (GBD) sur la période 1990–2019 pour estimer l’évolution de la mortalité par cancer de la trachée, des bronches et du poumon selon trois grands facteurs : le tabac, la pollution (particules fines et pollution domestique) et l’exposition professionnelle à l’amiante. Ils ont focalisé leur analyse sur les dix pays les plus peuplés (selon les recensements de 2023) et à l’échelle mondiale.
Les résultats, publiés dans eClinical Medicine, montrent une diminution globale du taux de mortalité standardisé (−8 %), avec un recul net pour les hommes et une hausse chez les femmes. Si le poids attribuable au tabac diminue dans l’ensemble (tout en restant majeur), plusieurs pays (Chine, Indonésie) enregistrent encore une augmentation du taux de mortalité associé au tabac. De même, la pollution particulaire connaît une progression marquée dans certains pays d’Asie et d’Afrique, avec un doublement du taux de mortalité en Chine comparé à la moyenne mondiale. Enfin, la mortalité associée à l’amiante tend globalement à baisser (−26 %), mais reste deux fois plus élevée qu’ailleurs aux États-Unis sur toute la période.
La pollution de l’air s’avère être le second facteur de risque de cancer TBL
En affinant l’analyse, la pollution de l’air s’avère être le second facteur de risque de cancer TBL (environ 20 % de la mortalité mondiale). Parmi les dix pays étudiés, la Chine, l’Inde, le Pakistan ou encore le Nigeria affichent une hausse de la mortalité due à la pollution atmosphérique. La composante « pollution intérieure » (foyers domestiques, combustion de biomasse, etc.) semble cependant décliner dans plusieurs régions (−62 % de mortalité associée à l’échelle mondiale). Concernant l’amiante, si les pays à revenu élevé disposent depuis des années de réglementations limitant son usage, certaines zones (Chine, Inde, Indonésie, Pakistan) continuent de signaler une hausse des décès liés à ce facteur, attribuable à un usage industriel persistant et à l’absence de législation suffisante.
Par ailleurs, on note des disparités marquées selon le sexe : alors que la mortalité chez les hommes tend à diminuer (en lien avec la baisse du tabagisme), une croissance est observée chez les femmes dans 6 des 10 pays étudiés, ce qui pourrait refléter un décalage temporel dans les habitudes tabagiques. Les modèles de régression soulignent également une augmentation plus rapide de la mortalité liée aux particules fines dans des pays comme l’Inde ou le Bangladesh, mettant en lumière la nécessité de politiques de santé publique renforcées pour contrôler la pollution.
Une analyse des données de la base Global Burden of Disease
Les données proviennent de la base GBD, qui recense les codes de mortalité (ICD9 et ICD10) et leur association avec divers facteurs de risque. Les auteurs ont extrait les taux de mortalité standardisés pour la période 1990–2019, distinguant trois grands déterminants (tabac, pollution, amiante). Après calcul des évolutions relatives et passage dans un modèle joinpoint (qui identifie les points d’inflexion dans les tendances), ils ont évalué les variations annuelles et la significativité statistique des évolutions. Malgré la robustesse et la reconnaissance internationale de la base GBD, certaines limites persistent : hétérogénéité de la qualité des certificats de décès, transition des classifications ICD9 à ICD10, et impossibilité de lier précisément les différentes expositions au sous-type histologique de cancer pulmonaire.
Sur le plan clinique, ces résultats confirment que, même si la lutte antitabac reste cruciale, la pollution aux particules fines émerge comme un déterminant majeur de la mortalité, en particulier dans les pays à industrialisation rapide. Les pneumologues, oncologues et décideurs doivent donc intégrer cette dimension environnementale dans leurs stratégies de prévention et de dépistage. L’usage persistant de l’amiante dans certains pays souligne par ailleurs la nécessité d’interventions réglementaires plus strictes et d’une surveillance post-exposition de long terme.
En conclusion, malgré une baisse globale de la mortalité par cancer de la trachée, des bronches et du poumon, le poids grandissant de la pollution atmosphérique et la persistance de l’amiante dans plusieurs régions constituent de nouveaux défis. La prévention du tabagisme, le contrôle réglementaire de l’amiante et la réduction de la pollution aux particules fines devront rester des priorités majeures pour limiter la mortalité liée au cancer pulmonaire au cours des prochaines décennies.