Santé Publique

Pandémie : 5 ans après, les systèmes de santé sont toujours dégradés

La crise des systèmes de santé, liée à la Covid-19, a accru les listes d’attente de soins non urgents en Écosse, déjà plus qu'en tension avant la pandémie. Les plans de reprise nécessiteraient d’importants renforcements de capacité, tant en quantité qu’en durée, pour espérer résorber ces retard de soins qui deviennent gravissimes.

  • cyano66/istock
  • 10 Jan 2025
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    La pandémie de Covid -19 a exercé une pression inédite sur l’ensemble des systèmes de santé, obligeant nombre de pays à reporter des soins programmés pour libérer des ressources en faveur des patients atteints de Covid -19. En Écosse, où le National Health Service (NHS) est responsable de l’offre de soins pour une population d’environ 5,5 millions d’habitants, cette réorganisation a généré une hausse importante des listes d’attente et accentué les inégalités d’accès aux soins.

    L’objectif de l’étude publiée dans The Lancet Regional Health Europe consistait à analyser l’évolution des listes d’attente pour soins programmés au sein du NHS écossais, sur une période de 11 ans (janvier 2013 à décembre 2023). Les auteurs ont évalué le volume des patients en attente, la capacité de prise en charge avant et pendant la pandémie, puis quantifié l’effort nécessaire pour résorber le « retard accumulé ».

    Les principaux résultats indiquent que les listes d’attente, déjà en augmentation régulière avant 2020 (hausse de 35,3 % entre 2013 et 2019), ont connu une croissance accélérée (+73,1 % entre 2019 et 2023, pour atteindre 667 749 patients en attente fin 2023). De plus, le nombre de patients attendant leur intervention depuis plus d’un an est passé de 3056 fin 2019 à plus de 78 000 fin 2023 (+2400 %).

    Les capacités de soins programmés, réduites drastiquement lors du premier confinement (avril–juin 2020), ne se sont pas pleinement rétablies à la fin de l’année 2023. L’étude modélise enfin qu’un accroissement progressif de capacité, atteignant au total +20 % sur trois ans (soit environ +6,67 % par an), serait le minimum requis pour pouvoir résorber ce retard, correspondant à 32 302 cas supplémentaires annuellement.

    Aucune zone géographique ou spécialité n’a échappé à la hausse des listes d’attente

    Un bilan détaillé par type de soins programmés, par région et par spécialité a confirmé la tendance générale : aucune zone géographique ni spécialité n’a échappé à cette hausse marquée des listes d’attente. Bien que l’impact ait pu varier en fonction de l’intensité locale de la pandémie ou de la complexité des affections, la globalité du NHS écossais n’a pas retrouvé, quatre ans après le début de la crise, son niveau d’activité d’avant 2020.

    Par ailleurs, la répartition des durées d’attente met en évidence une augmentation préoccupante des retards prolongés. L’analyse révèle que les demandes non satisfaites au bout de 12 mois ont explosé sur la période, exposant les patients à d’éventuelles complications et à une détérioration de leur qualité de vie. Les auteurs soulignent l’hétérogénéité des effets selon les profils de patients et indiquent que certaines catégories de population, notamment les plus défavorisées ou à comorbidités multiples, pourraient avoir subi un impact disproportionné.

    En ce qui concerne la capacité de prise en charge, des mesures de rattrapage ont déjà été mises en place (planification de créneaux supplémentaires, réaffectation de ressources...). Toutefois, d’après la modélisation retenue, même en maintenant des efforts permanents d’augmentation de capacité de l’ordre de 20 % sur trois ans, la réduction du retard prendrait encore plusieurs années.

    Une analyse des données nationales portant sur 11 ans

    Cette analyse repose sur des données nationales portant sur une période de 11 ans (2013–2023), incluant toutes les activités de soins programmés au sein du NHS écossais. Les auteurs ont utilisé des statistiques descriptives pour décrire les tendances temporelles et un modèle de type « Vector Autoregressive » (VAR) avec variables exogènes, afin d’estimer la croissance de capacité nécessaire pour résorber le retard. Le fait d’exploiter des données exhaustives (nationales, régionales et spécialisées) confère une forte représentativité à l’étude, même si les particularités locales (par exemple, disponibilités en personnel spécialisé) peuvent varier.

    En termes de changement de pratique, ces constats suggèrent que la simple restauration des niveaux d’activité « pré-Covid » n’est pas suffisante : l’ampleur de la liste d’attente accumulée impose un surcroît soutenu d’activité sur plusieurs années (croissance annuelle de 6,67 %). Au-delà d’augmenter les créneaux opératoires, une approche systémique est recommandée avec une meilleure orientation des patients et priorisation en fonction de l’urgence clinique), une réorganisation des parcours, mutualisation de plateaux techniques) et un renforcement des ressources humaines (recrutement, formation, réduction du turnover).

    Il faudra vérifier, sur une période plus longue, l’effet de ces stratégies de reprise dans divers contextes (autres régions ou pays). Le partage de méthodologie et de données, tel que proposé ici, peut servir de référence pour d’autres systèmes de santé confrontés à des problématiques similaires.

     

     

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