Plainte contre une malade
Polémique à Lyon : l’association Courir pour elles retire sa plainte
Une femme atteinte d’un cancer a été poursuivie en justice par Courir pour elles. Elle avait reproché à l’association le manque de transparence de ses comptes.
- Manuela Wyler est en phase terminale de cancer du sein (Laurence Guenoun/Fuckmycancer)
Une association ayant pour vocation de lutter contre le cancer s’attaque à une malade, Manuela Wyler. Courir pour elles, une association prônant l’activité physique, l’a poursuivie en diffamation suite à un article publié en mai 2015 sur le blog de cette patiente atteinte d’un cancer du sein. La raison : elle y dénonçait le « pinkwashing » que favorise ce genre d’associations, et l’accusait du manque de transparence de ses comptes. L’association a finalement retiré sa plainte cette semaine, sous la pression médiatique.
Le timing est cruel. La femme de 58 ans, en phase terminale, n’a plus longtemps à vivre. « Contactez mon avocate s’il vous plaît, je n’ai pas l’énergie, ni l’envie de répondre. Ma vie se compte en jours. » a-t-elle répondu à Rue 89 suite à la demande d’interview de l’un de ses journalistes.
La plainte, déposée l’été dernier par l’association, a été signifiée à Manuela Wyler la semaine dernière, ce qui n’avait pas manqué de la faire réagir sur son blog Fuckmycancer. « Tout ce bruit pour des propos que vous me reprochez et qui ne sont que vérités, avait-elle alors écrit. Chère Sophie Moreau (présidente de Courir pour elles ndlr), la date de la course arrive. Du fond de mon cercueil ou de mon urne j’espère que quelqu’un vous transmettra tout le mépris que j’ai pour votre action. »
Comment tirer parti du cancer
Traduisible de manière littérale par « lavage par le rose », le pinkwashing tire son nom d’une campagne lancée dans les années 1990 par une femme dénonçant le manque de recherche dans la lutte contre le cancer du sein. Le petit ruban orange qu’elle avait créé pour sensibiliser le grand public avait été repris par de grandes entreprises, et changé en rose suite au refus de la femme de leur vendre son invention.
C’est un réel enjeu marketing aux Etats-Unis. Il reste encore discret en France même s’il se développe fortement. Il consiste, pour des entreprises, à sponsoriser des associations caritatives pour en tirer un bénéfice sur leur image, ou parfois même directement sur leurs ventes.
Manuela Wyler s’insurge contre ces procédés dont les associations comme Courir pour elles se font le relai : « Les laboratoires pharmaceutiques s’associent à ces courses qu’[ils] financent en partie, ainsi que des marques variées de produits dits féminins qui vous fournissent des échantillons de lessives, tampons hygiéniques et autres produits chargés de substances toxiques mais non interdites. »
42 % de l’argent récolté
En plus, ajoute la bloggeuse, il est difficile de savoir ce que l’association fait des sommes récoltées. Elle les accuse même de masquer leurs comptes : « L’association Courir pour elles, toutes solidaires ne publie pas ses comptes ni sur son site ni ne les dépose au greffe du tribunal ou à la préfecture. Jusqu’au seuil de 153 000 euros, c’est son droit, ça n’est pas très éthique, ni responsable mais cela reste dans le cadre légal. »
Aux Etats-Unis, des associations ont déjà été épinglées pour le taux infime de reversement des dons. La ligue américaine de football américain (NFL) qui avait récolté de l’argent pour le mois du cancer du sein, n’avait en effet reversé que 8 % des sommes en 2013.
Suite à l’engouement médiatique de cette semaine, l’association Courir pour elles a finalement publié ses comptes pour l’exercice 2015 sur son site internet. Pour l’année 2015, 42 % des recettes ont été reversées. Le reste a été consacré aux frais de fonctionnement de l’association et au financement des activités qu’elle organise.