25 000 patients étudiés
Schizophrénie : 9 malades sur 10 n’ont aucun problème de violence
L’association entre schizophrénie et actes violents ne concerne qu’1 malade sur 10. Cette minorité de schizophrènes dangereux peut être repérée et prise en charge, révèle une large étude.
Décembre 2004, une infirmière et une aide-soignante de l’hôpital psychiatrique de Pau sont tuées par un jeune schizophrène armé d’un sabre. Novembre 2008, un patient suivi pour la même maladie s’échappe de l’hôpital et poignarde mortellement un étudiant dans une rue de Grenoble. Ces deux faits divers très largement médiatisés et politisés ont créé l’amalgame dans l’esprit des Français entre schizophrénie et dangerosité.
Mais une étude suédoise publiée aujourd’hui dans la revue spécialisée The Lancet Psychiatry nuance cette idée reçue, grâce à une cohorte de près de 25 000 patients schizophrènes suivis entre 1972 et 2009.Dans les 5 années suivant leur diagnostic de schizophrénie, 10,7% de ces patients et 2,7% des patientes ont été condamnés pour acte de violence. Par comparaison, c’est 4 fois plus que leurs frères et sœurs non malades (26 000 ont été inclus dans l’étude) et 7 fois plus que la population générale, représentée par un échantillon de plus de 450 000 personnes.
Ecoutez le Dr Roland Coutanceau, psychiatre et expert auprès de la Cour d’appel de Paris : « Les schizophrènes sont statistiquement plus violents que la moyenne, ne pas le reconnaître serait du déni de réalité. Mais en 28 ans de suivi, 90% n’ont eu aucune maille à partir avec la loi. » L’équipe suédoise a cherché à mettre en évidence les facteurs de risques exposant les personnes schizophrènes à faire partie de cette minorité de patients violents. Ils en ont identifié trois, communs à tous les individus violents, qu’ils soient schizophrènes ou non : la consommation d’alcool ou de drogue, les antécédents de criminalité et les tendances autodestructrices ou suicidaires. « Ces facteurs classiques favorisant le passage à l’acte violent peuvent sembler banaux mais ils sont relativement peu répandus chez les schizophrènes, ils sont donc repérables », souligne Roland Coutanceau. Et pour ces patients à risque, il ne faut pas se contenter de la prise en charge classique. « Par définition, ce ne sont pas des patients qui viennent sagement au rendez-vous une fois par mois au CMP, il faut être innovant et aller vers eux lorsqu’ils échappent au suivi, par des visites à domicile, par de l’hospitalisation à domicile, toutes sortes de prise en charge innovantes que la psychiatrie de secteur a tardé à développer », explique le spécialiste. Ecoutez le Dr Roland Coutanceau : « Comme ces patients sont difficiles, quand ils ne viennent plus, on a tendance à lâcher l’affaire. Mais la maladie réémerge et souvent dans la rue par la violence. » L'étude suédoise, grâce à sa longue période de suivi, montre une évolution à la hausse des comportements violents parmi les malades schizophrènes. Ils ont globalement augmenté de 1% par an entre 1972 et 2009. Pour Roland Coutanceau, c'est le reflet de l'évolution de la prise en charge des malades schizophrènes. « L'arrivée des médicaments neuroleptiques a permis de stabiliser la majorité des malades et de les faire sortir des hôpitaux. Mais cela a aussi permis à cette minorité de malades plus fragiles d'échapper plus facilement à la prise en charge », souligne le spécialiste. Le suivi de ces patients schizophrènes reste un avantage de taille pour lutter contre les passages à l'acte violent. « En étant plus attentif, plus cadrant avec cette minorité de schizophrènes, on peut prévenir la dérive violente et parvenir à l’empêcher, insiste le Dr Coutanceau. Contrairement à tous les criminels non malades mentaux qui vivent autour de nous et que l’on ne découvre que lorsqu’ils est trop tard et qu'ils sont passés à l’acte ». Le Dr Roland Coutanceau est l'auteur de Faut-il être normal ? Apprenez à gérer votre personnalité aux éditions Michel Lafon.