Pneumologie
Sarcoïdose et NRP2 : une nouvelle approche plus ciblée des pneumopathies interstitielles
Le traitement par un inhibiteur du récepteur de la neuropiline-2 (NRP2), exprimé par les macrophages activés dans les sites inflammatoires de la sarcoïdose, diminue significativement l'inflammation pulmonaire et la fibrose tout en permettant de réduire la corticothérapie systémique.

- Rasi Bhadramani/istock
La sarcoïdose est une maladie granulomateuse multisystémique qui affecte le plus souvent les poumons. La sarcoïdose pulmonaire est caractérisée par des granulomes, de minuscules amas de cellules immunitaires (dont les cellules géantes) qui se forment en réponse à l'inflammation. C'est la plus inflammatoire des maladies pulmonaires interstitielles, une famille caractérisée par une inflammation progressive et une fibrose irréversible des poumons.
L’origine est inconnue et aucun nouveau traitement n'a été introduit au cours des 70 dernières années. Le traitement corticoïde à long terme de première intention, est associé à une prise de poids importante et à des lésions d'organes. Par ailleurs, les effets immunosuppresseurs rendent les patients vulnérables aux infections.
Une nouvelle voie thérapeutique plus spécifique
Dans un article publié dans Science Translational Medicine, des scientifiques de Scripps Research ont caractérisé une protéine, HARSWHEP, capable de moduler cette inflammation en se liant spécifiquement au récepteur de la neuropiline-2 (NRP2), exprimé par les macrophages activés dans les sites inflammatoires. La réduction de l'inflammation ralentirait la progression de la maladie et déboucherait sur moins de cicatrices fibreuses.
L’Efzofitimod est une protéine de synthèse qui se lie à la neutrophiline-2 (NRP2). L’étude principale montre que l’efzofitimod, réduit l'inflammation et la progression de la fibrose pulmonaire dans plusieurs modèles animaux pertinents, incluant la fibrose induite par la bléomycine, la silicose, la sarcoïdose, la sclérodermie systémique et la polyarthrite rhumatoïde associée à la PID. L’efzofitimod module efficacement les macrophages humains, réduisant leur profil inflammatoire, et stabilise les marqueurs inflammatoires sériques chez des patients atteints de sarcoïdose pendant le sevrage corticoïde. Un essai clinique de phase 1b/2a sur l'efzofitimod, une forme thérapeutique de HARSWHEP, avait donné des résultats prometteurs.
Une nouvelle classe de protéines contrôlant l’inflammation
HARSWHEP fait partie d'une ancienne classe de protéines connues sous le nom d'aminoacyl-ARNt synthétases (aaRS). En général, les aaRS jouent un rôle clé dans la synthèse des protéines. Elles sont présentes dans chaque cellule du corps, dans chaque organisme vivant sur la planète. Au fil du temps, de nouvelles versions connues sous le nom de variants d'épissage ont émergé. Elles se lient aux récepteurs situés à l'extérieur des cellules et déclenchent différents événements dans tout l'organisme.
L'un de ces variants, HARSWHEP, serait apparu il y a environ 525 millions d'années. HARSWHEP ne se lie qu'au récepteur neuropiline-2 (NRP2). Ce récepteur est connu pour jouer un rôle dans le développement du système lymphatique (le système circulatoire par lequel les cellules immunitaires se déplacent), et non dans la fonction immunitaire. Mais les chercheurs ont découvert que lorsque les monocytes pénètrent dans un tissu en réponse à une inflammation et se transforment en macrophages, ces cellules commencent à exprimer des niveaux élevés de NRP2. L'équipe a découvert que la liaison de HARSWHEP à NRP2 transforme physiquement le macrophage. Cela crée un nouveau type de macrophage qui est moins inflammatoire et contribue en fait à résoudre l'inflammation.
Une réduction ciblée de l’inflammation des cellules du poumon
Dans des autres données d'essais cliniques publiées, l'équipe a également caractérisé les cellules immunitaires circulantes des patients avant et après le traitement par l'efzofitimod. Ils ont constaté que cette molécule en se liant à la neutrophiline-2 (NRP2), réduisait les principaux indicateurs de l'inflammation à l'origine de la sarcoïdose, tels que la concentration de macrophages et d'autres cellules immunitaires inflammatoires, ainsi que plusieurs paramètres biologiques spécifiques, comme l’expression réduite de cytokines pro-inflammatoires.
La tolérance de l’efzofitimod s’est avérée satisfaisante, avec une absence notable de toxicités graves dans les modèles précliniques. Par ailleurs, les échantillons issus de patients atteints de sarcoïdose pulmonaire ou de sclérodermie confirment la présence accrue de NRP2, validant cette cible thérapeutique. En clinique, chez des patients sous sevrage corticoïde, l’efzofitimod a permis une stabilisation efficace des marqueurs inflammatoires sériques, soulignant une réduction significative des effets secondaires liés à l'utilisation prolongée de corticoïdes.
Un nouveau domaine de recherche dans les pneumopathies interstitielles
Bien qu'ils explorent d'abord la sarcoïdose, l'efzofitimod est un traitement potentiel pour de nombreuses maladies pulmonaires interstitielles. Ces travaux mettent en évidence les macrophages comme cible potentielle pour le traitement des ILD, et ces résultats prometteurs suggèrent fortement que l’efzofitimod pourrait modifier les pratiques cliniques en fournissant une alternative thérapeutique efficace, ciblée, et mieux tolérée dans la sarcoïdose que les traitements actuels principalement basés sur les corticoïdes.
Les perspectives de recherche incluent l’évaluation clinique approfondie de l’efzofitimod dans différentes PID, notamment la sarcoïdose et la sclérodermie, avec des essais déjà en cours. À plus long terme, la classe moléculaire des variants d’aminoacyl-tRNA synthétases, telle que représentée par HARSWHEP, pourrait constituer une nouvelle catégorie thérapeutique prometteuse pour diverses maladies inflammatoires pulmonaires chroniques.