Rhumatologie
Corticothérapie prolongée : majoration dose-dépendante du risque cardiovasculaire
Une étude nationale rétrospective révèle que l'exposition chronique aux corticoïdes augmente de manière significative le risque d'événements cardiovasculaires majeurs chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, indépendamment de leur risque cardiovasculaire initial.
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Les corticoïdes sont un des piliers du traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR), utilisés par environ 75 % des patients pour contrôler l'inflammation et les symptômes articulaires, au minimum en association ou en bridging. Cependant, leur utilisation sur le long terme est associée à des effets indésirables notables, notamment une augmentation du risque d'ostéoporose, d'infections et de complications métaboliques.
Une étude rétrospective sur la base de données nationale des vétérans américains a examiné l'impact de l'exposition chronique aux corticoïdes sur le risque de survenue d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE) chez une cohorte nationale de patients atteints de PR. Les résultats, présentés au congrès ACR Convergence 2014, mettent en évidence une relation dose-dépendante significative entre l'utilisation des corticoïdes et l'augmentation du risque de MACE, soulignant l'importance de réévaluer l'utilisation prolongée des corticoïdes dans cette population.
Un risque cardiovasculaire dose-dépendant et indépendant des antécédents
Sur un total de 18 882 patients atteints de PR inclus dans l'étude, 717 (3,8 %) ont eu un MACE au cours du suivi. Chaque cas de MACE a été apparié à jusqu'à deux témoins, en tenant compte de facteurs tels que l'âge, le sexe, le statut tabagique, l'utilisation de traitements biologiques et le score de risque cardiovasculaire VARS.
Les analyses montrent qu'une augmentation de 1,5 fois de l'exposition cumulative aux corticoïdes était associée à une augmentation de 3 % du risque de MACE (OR = 1,03), et une augmentation de 2 fois correspondait à une augmentation de 6 % du risque (OR = 1,06), avec une forte signification statistique (β = 0,0814, p < 0,001).
Lorsque l'exposition aux corticoïdes est limitée aux 12 ou 6 mois précédant l'événement, les résultats restent cohérents, avec un impact légèrement plus important sur le risque de MACE. Il est important de noter que l'interaction entre le risque cardiovasculaire de base (VARS) et l'exposition aux corticoïdes n’est pas significative (p = 0,67), suggérant que le risque accru associé aux corticoïdes est indépendant du risque cardiovasculaire initial du patient.
Une vaste étude cas-témoin sur une base bien documentée
Cette étude s'appuie sur une méthodologie robuste, utilisant une approche cas-témoins imbriquée au sein d'une cohorte rétrospective de patients du système de santé des Anciens Combattants (VA) aux États-Unis, couvrant les années 2010 à 2018. Les patients inclus avaient une première consultation en rhumatologie, avec des données complètes disponibles pour une période de référence d'un an. Les critères d'exclusion stricts (âge inférieur à 40 ans ou supérieur à 90 ans, présence d'une autre maladie rhumatologique, antécédents de MACE ou d'insuffisance cardiaque) ont permis de réduire les biais potentiels et d'augmenter la validité interne de l'étude.
L'appariement des cas et des témoins a été réalisé en tenant compte de multiples variables clés, notamment la durée de suivi, le sexe, l'âge de base, le statut tabagique, l'utilisation de traitements biologiques et le risque cardiovasculaire estimé par le score VARS. Ce score, spécifique à la population des vétérans, intègre des données cliniques, biologiques et de prescriptions, offrant une estimation précise du risque cardiovasculaire de base.
Réduire au maximum la durée d’utilisation des corticoïdes oraux
L'utilisation chronique des corticoïdes chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde est associée à une augmentation dose-dépendante du risque d'événements cardiovasculaires majeurs, indépendamment du risque cardiovasculaire initial. Les résultats de cette étude, hautement représentatifs de la population étudiée, offrent des perspectives importantes pour la pratique clinique. Ils suggèrent que la réduction de l'exposition cumulative aux corticoïdes pourrait être une stratégie efficace pour diminuer le risque de MACE chez les patients atteints de PR.
Par conséquent, il est recommandé que les cliniciens évaluent régulièrement la nécessité de poursuivre le traitement par corticoïdes et envisagent des alternatives thérapeutiques, telles que les traitements de fond synthétiques ou biologiques, pour le contrôle des symptômes de la PR.