UNGASS 2016

Nations Unies : vers la fin de la guerre contre les drogues

A New York, l’ONU a adopté une résolution entérinant la fin du tout répressif en matière de drogues, et une approche plus centrée sur la santé.

  • Par Marion Guérin
  • pix5/hanohiki
  • 22 Avr 2016
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    Ce n’est qu’une formule, mais elle signifie beaucoup. Réunies à New York pour la première fois depuis 18 années, les Nations Unies ont acté la fin du « tout répressif » en matière de drogues, après quarante ans d’une guerre menée dans la plus grande inefficacité. La résolution adoptée lors de la session extraordinaire de l’ONU sur les drogues (UNGASS, 19-21 avril 2016) entérine ainsi cet échec, et fait la part belle aux politiques de prévention et de soin.
     

    « Listen first »

    La session s’est tenue à la demande du Guatemala, du Mexique et de la Colombie, pays particulièrement touchés par les dégâts liés aux drogues, et premiers témoins d’une politique inadaptée. Comme d’autres, ces Etats réclament une approche alternative, davantage centrée sur la réduction de la demande plutôt que sur celle de l’offre. En somme, encadrer les consommations et être à l’écoute des usagers– la logique du « listen first » qu’a défendue la France lors de ce rendez-vous.


    « Il faut donner la priorité à une approche centrée sur la santé publique et non plus sur des réponses purement punitives », a enjoint le président guatémaltèque, tandis que son homologue mexicain a prôné « des mécanismes de prévention et des solutions thérapeutiques intégrées », ainsi que « des peines proportionnées et des solutions alternatives à l'emprisonnement ».

    La résolution, élaborée en mars à Vienne, fait désormais référence à « une société exempte de tout abus de drogues », au lieu du « monde sans drogue » retenu comme idéal jusqu’ici. Si la notion de réduction des risques n’apparaît pas dans le texte, elle a été remplacée par une autre formule théorique, sensiblement similaire : la « réduction des conséquences néfastes de la consommation abusive de substances ».

    Changement de paradigme ?  

    La résolution prône des mesures pour réduire ces dommages, ce qui oblige à une forme de pragmatisme contradictoire avec l’approche morale vis à vis des consommations. Ce pragmatisme, c’est les thérapies de substitution, les salles de consommation à moindre risque, la naloxone (antidote aux overdoses d’opiacés), les programmes d’échange de seringues…

    Il s’agit là d’un important changement de paradigme, même s’il convient de ne pas aller trop vite en besogne. Faire converger les visions et les intérêts de 193 Etats sur la délicate question des drogues relève actuellement de l’utopie. Pour preuve, la résolution n’inclut pas l’interdiction de la peine de mort, rejetée plusieurs pays dont la Chine, l’Indonésie et l’Iran. Le texte, non contraignant, déçoit déjà de nombreux acteurs, qui dénoncent des avancées trop timides, un manque de transparence et de consultation avec les ONG.

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