"Justice organisationnelle"

Salaire du PDG de PSA : un risque psychosocial pour les employés

La rémunération du président du groupe PSA, qui a doublé en un an, génère un sentiment d’injustice porteur de risques psychosociaux pour les employés.

  • Par Marion Guérin
  • Carlos Tavares - Jacques Brinon/AP/SIPA
  • 30 Mar 2016
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    C’est avec amertume que les employés de PSA ont appris le montant de la rémunération du président de leur entreprise. En 2015, Carlos Tavares a touché un salaire de 5,24 millions d’euros – soit le double des émoluments perçus un an plus tôt, établis à 2,75 millions d’euros. Une hausse qu’il justifie dans Les Echos par les « bons résultats » du premier groupe automobile français.

    « Ecœuré », « révolté »… Les adjectifs employés par les syndicalistes et les salariés de Peugeot Citroën témoignent de l’incompréhension qui règne, alors que les plans de rigueur se sont succédés dans cette entreprise marquée par des heures sombres. « Il y a eu 17 000 suppressions d'emplois ces dernières années sur le groupe PSA, a ainsi rappelé le délégué central CGT Jean-Pierre Mercier sur France 3. C'est nous qui avons payé le prix très fort de ce redressement ».

    Iniquité

    Et c’est là que le bât blesse. Au-delà du montant de la rémunération, dont le niveau de décence dépend de la sensibilité de chacun, l’impression que les efforts ne pèsent que sur une partie des travailleurs semble tenace. Or, ce sentiment d’iniquité génère un risque psychosocial important pour les employés. 

    « Quand on parle de risques psychosociaux, on pense immédiatement aux conditions de travail, à la charge de boulot, souligne le psychiatre Patrick Légeron, fondateur du cabinet Stimulus sur la souffrance au travail. Pourtant, la liste des facteurs est longue et la notion de justice organisationnelle en fait partie ».

    Le concept d’ « injustice organisationnelle », mis au point par les sciences sociales, renvoie au sentiment que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne au sein d’un groupe – qu’il s’agisse des rémunérations, des promotions, des privilèges accordés aux uns et aux autres… Bien documentée au Canada et dans les pays d’Europe du Nord, cette théorie demeure floue en France, où les travaux se concentrent davantage sur l’organisation du travail. « Et pourtant, nos enquêtes montent que ce sentiment est très présent parmi les travailleurs français – bien plus que dans d’autres pays », explique Patrick Légeron.

    Ecoutez...
    Patrick Légeron, psychiatre, fondateur du cabinet Stimulus : « Nous avons un panel de 150 000 salariés que nous interrogeons par questionnaire. On voit que les employés français sont très marqués par cette impression d’injustice »

    Bonheur National Brut

    La justice organisationnelle renvoie donc à une composante nécessaire au bien-être au travail, alors que la notion de « Bonheur National Brut » se développe à toute vitesse dans les nations touchées par le burn-out. Conscient de l’image renvoyée par la direction de PSA, le gouvernement a condamné le doublement du salaire de Carlos Tavares – auquel l’Etat, actionnaire du groupe, s’est d’ailleurs opposé en conseil d’administration.

    « Que M. Tavares ait cette possibilité-là, OK, mais les salariés ne doivent pas en être exclus », a résumé à l’AFP Jacques Mazzolini (CFE-CGC), en appelant à « rétablir l'équilibre » en interne via « l'actionnariat salarié ».

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