Agences sanitaires françaises
Liens d’intérêts : les experts en santé épinglés
Tout expert sanitaire doit remplir une déclaration d’intérêt depuis 2011. Mais la Cour des comptes épingle de sérieux manquements à ce dispositif.
La transparence a du mal à se faire dans les grandes institutions sanitaires françaises. Le pneumologue Michel Aubier a ravivé le débat sur les conflits d’intérêt, sa présence au conseil d’administration du géant pétrolier Total ayant été révélée.
Au même moment, la Cour des comptes a publié son rapport sur l’efficacité du Sunshine Act français. Depuis quatre ans, tout expert sanitaire auprès des agences de l’Etat doit remplir une déclaration de liens d’intérêts. Mais le laxisme n’est pas rare lorsqu’il s’agit de boucler les documents.
22 % d’anomalies
Les Sages de la rue Cambon se sont penchés sur les déclarations de cinq institutions majeures : la Haute Autorité de Santé (HAS), l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS), l’Institut National du Cancer (INCa) et l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM). Et l’opération transparence tarde à se faire appliquer dans deux d’entre elles.
Dans l’ensemble, 8 % des déclarations sont manquantes, note la Cour des comptes. Parmi les autres, 22 % contiennent des anomalies. Dans ce domaine, le CEPS et l’ONIAM sont champions : ils plafonnent à 40 %. La plupart du temps, il s’agit d’un défaut d’actualisation annuelle. Mais certains documents sont mal chiffrés.
Le Directeur général de la Santé dispensé
Ces anomalies s’expliquent par le fait que cette démarche s’effectue sur la base de la spontanéité. Aucun organisme ne vérifie que les déclarations ne sont pas mensongères… et le décret qui prévoyait la création d’une commission éthique n’a jamais été promulgué. Ce sont deux écueils majeurs que la Cour des comptes met en avant. « A priori simple, la mise en œuvre des dispositions législatives, rédigées en quatre articles, s’est révélée délicate et largement perfectible », soulignent les Sages. Ils soulignent notamment que la définition même d’expert sanitaire reste très vague. A tel point que le directeur général de la Santé est tout simplement dispensé de déclaration. Un système « trop permissif ».
La Cour recommande donc que les procédures soient harmonisées, sur le modèle de la HAS et l’ANSM et que la notion d’expert sanitaire soit explicitée.
Un dernier flou doit être éclairci : la nécessaire et délicate conciliation entre recherche et prévention des conflits d’intérêts. La loi Bertrand, promulguée en 2011 après le scandale du Mediator, n’avait pas pour vocation de répondre à cette interrogation.