Mutilations génitales

Polémique autour d'excisions "minimalistes" prônées par 2 médecins américains

Deux gynécologues américains proposent que les excisions "minimalistes" soient tolérées. Un compromis qui respecterait les traditions culturelles et protégerait la santé des femmes. 

  • Par Anne-Laure Lebrun
  • SAYYID AZIM/AP/SIPA
  • 24 Fév 2016
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    Deux semaines après la Journée internationale de Tolérance Zéro aux mutilations sexuelles, la proposition de deux gynécologues américains choque. Pour protéger les fillettes et les adolescentes, ils plaident pour que les excisions « minimalistes » soient tolérées. Selon les docteurs Kavita Shah Arora et Allan Jacobs, « ce compromis respecte les différences culturelles tout en protégeant la santé des femmes ».

    Compromis pragmatique ou point de vue laxiste ? Depuis la parution de leur article dans le Journal of Medical Ethics, le débat agite la communauté médicale et les associations qui veulent voir cette pratique disparaître. Pour les deux gynécologues, la lutte contre ces violences féminines n’a mené nulle part jusqu’à aujourd’hui. « Malgré 30 ans de mobilisation, la prévalence des altérations génitales féminines non-thérapeutiques chez les mineurs est stable dans de nombreux pays, soulignent les gynécologues. Des approches alternatives doivent donc être considérées ».


    200 millions de femmes excisées

    De fait, selon le dernier rapport de l’Unicef, 200 millions de femmes auraient été excisées dans le monde. Ces mutilations sexuelles concernent l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes des fillettes ou des adolescentes. Généralement pratiquée par les accoucheuses traditionnelles ou les guérisseurs, l'excision n’a aucune raison médicale, mais est le plus souvent dictée par des rituels religieux ou une norme sociale.

    Ces mutilations endommagent des tissus et peuvent entraîner des infections voire des hémorragies pouvant mener à la mort. Elles peuvent également conduire à des douleurs lors des rapports sexuels et à une absence de plaisir, ainsi que des complications pendant l'accouchement.

    Conscients de ces conséquences, les deux gynécologues estiment toutefois que deux procédures moins risquées et mutilantes pourraient être acceptées : celles n’ayant aucun impact durable sur le fonctionnement et l’apparence des organes génitaux ou celles modifiant « légèrement » leur apparence sans entraver leur épanouissement sexuel ou la capacité à avoir des enfants. Pour ces pratiques, les gynécologues rejettent même le terme de « mutilations génitales » et évoquent plutôt « des altérations génitales » en les comparant à la circoncision masculine.


    Un pas en arrière

    « Nous ne disons pas que ces pratiques sur les organes génitaux féminins sont souhaitables. […] Mais nous pensons que certaines procédures – toutes réalisées sous anesthésie – devraient être tolérées dans nos sociétés libérales ». Ils estiment par ailleurs que ces deux excisions ne sont pas une violation des droits humains des jeunes filles et des femmes. 

    Pour plusieurs de leurs confrères, cette proposition est un grand pas en arrière. Dans un commentaire publié dans le Journal of Medical Ethics, le Pr Ruth Mackin, de la faculté de médecine Albert Einstein (New York), estime que « toutes les traditions culturelles ne méritent pas le respect » et rappelle « qu’à l’origine, les mutilations sexuelles féminines sont destinées à contrôler les femmes et leur appétit sexuel ».

    Lire notre enquête : Excision, les femmes brisent le tabou

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