Neurosciences

Quand notre esprit vagabonde, notre cerveau apprend quand même

Une équipe de chercheurs en neurosciences révèle que le vagabondage mental, souvent perçu comme une distraction, peut en réalité favoriser une forme d’apprentissage inconscient.

  • Matthias Lindner / istock
  • 09 Avr 2025
  • A A

    Qui n'a jamais perdu le fil d'une réunion de travail ou d'un cours magistral, réalisant soudain qu'on n'a pas écouté les cinq dernières minutes et encore moins retenu la moindre information ? Ce moment de flottement mental, souvent accompagné d’une dose de culpabilité, a longtemps été considéré comme l'ennemi de la concentration et de l'apprentissage. Pourtant, une nouvelle recherche publiée dans The Journal of Neuroscience vient aujourd’hui remettre en question cette idée bien ancrée.

    Le vagabondage mental peut favoriser les capacités d’apprentissage

    L’étude, menée par le chercheur Péter Simor de l’Université Eötvös Loránd (Hongrie) et ses collègues européens, révèle que cette dérive de l'esprit pourrait en réalité favoriser certains types d'apprentissage, en particulier l'acquisition implicite de schémas et de régularités statistiques de l'environnement. "Le vagabondage mental, qui occupe entre 30 et 50 % de notre temps d'éveil, reste un phénomène énigmatique en neurosciences cognitives", expliquent les auteurs dans un communiqué.

    Trente-sept participants âgés en moyenne de 22 ans, en majorité des femmes, ont réalisé une tâche cognitive simple – informatique en l’occurrence – durant laquelle leur activité cérébrale était enregistrée via un électroencéphalogramme. Régulièrement, ils étaient interrogés sur leurs pensées : étaient-ils concentrés ou ailleurs ? Les résultats ont surpris les chercheurs : ceux dont l’esprit divaguait spontanément identifiaient mieux les motifs cachés dans la tâche, même sans en avoir conscience. "Le vagabondage mental pendant la tâche n'a pas dégradé la performance, et l'a même parfois améliorée", notent-ils.

    Un cerveau en mode "repos actif"

    Mais pourquoi laisser vaguer son esprit favoriserait-il nos facultés d’apprentissage ? L'explication viendrait de l'activité cérébrale observée : pendant ces phases de déconnexion, le cerveau produisait des ondes lentes similaires à celles du sommeil, particulièrement dans les régions responsables du traitement sensoriel et moteur. Le vagabondage mental fonctionnerait ainsi comme "un micro-état de repos actif, proche du sommeil" permettant au cerveau de renforcer discrètement certains apprentissages.

    Cette idée rejoint le concept de "wakeful rest", ou repos éveillé. Comme le résume Péter Simor : "La plupart des recherches cognitives se concentrent sur l'apprentissage en état d'attention maximale. Mais dans la vraie vie, nous passons beaucoup de temps à apprendre de manière passive... Peut-être avons-nous aussi besoin de formes d'apprentissage passives, d’un 'repos éveillé' pour récupérer des tâches qui exigent un cerveau actif et concentré." En clair, si vous vous surprenez à rêver en marchant ou à déconnecter en lavant la vaisselle, ne culpabilisez plus : votre cerveau travaille sans doute plus qu’il n’y paraît.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF

    -----