Fait divers

Le « système » du dentiste Lionel Guedj a conduit ses patients à « vivre avec une bouche détruite »

Le dentiste Lionel Guedj comparaît depuis le 28 février devant le tribunal de Marseille pour avoir pratiqué des opérations injustifiées et bâclées à des centaines de patients. Ces derniers se succèdent depuis à la barre pour raconter leur calvaire et leur bouche détruite.

  • Par Charlotte Arce
  • anatoliy_gleb/iStock
  • 04 Mar 2022
  • A A

    Le "système" mis en place par Lionel Guedj a fini par tomber, et est désormais disséqué au tribunal. Le dentiste de 41 ans, qui officiait dans les quartiers nord de Marseille, comparaît depuis le 28 février devant la justice pour "violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente" et "escroquerie".

    Il est accusé d’avoir, entre 2009 et 2012, multiplié les patients, dégradé des dents saines et de leur avoir posé à la va-vite des prothèses pour optimiser son chiffre d’affaires. Il est aussi poursuivi, aux côtés de son père, pour "usage" et "complicité" de "faux en écriture privée". Au total, 322 patients, pour la plupart bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), se sont constitués partie civile.

    Jusqu’à 180 actes facturés par jour

    Car les sévices causés par Lionel Guedj sont nombreux. Outre les prothèses coûteuses qui ne tiennent pas, les patients du dentiste souffrent régulièrement d’abcès, de douleurs, d’infections à répétition et de mauvaise haleine. Selon le rapport des enquêteurs, "la première consultation se soldait systématiquement par un programme massif de travaux impliquant de dévitaliser et de couronner un maximum de dents". Et pour cela, le médecin n’hésitait pas à dégrader fortement des dents saines.

    Au troisième jour du procès, le 2 mars, Sophie R., qui a mené l’enquête du contrôle médical de la CPAM des Bouches-du-Rhône qui a conduit à l’arrestation du dentiste, a détaillé le "système Guedj" mis en place par le dentiste dès l’ouverture de son cabinet, dans le 15e arrondissement de la cité phocéenne. "En fait, le Dr Guedj pratiquait de très nombreuses dévitalisations de dents qui initialement n’étaient pas malades dans le but de poser un grand nombre de prothèses, a détaillé Sophie R, citée par 20 Minutes. Ces prothèses n’avaient pas de tarif limitatif, ce qui permet aux praticiens de facturer des honoraires élevés, et ce qui explique en grande partie le chiffre d’affaires du Dr Guedj."

    C’est cette multiplication des poses de prothèses, mais aussi des patients, qui a mis la puce à l’oreille de la Sécurité sociale, qui s’est elle aussi constituée partie civile. Selon l’organisme, le dentiste facturait entre 50 et 90 actes journaliers, et parfois jusqu’à 180 actes par jour. Son montant d’honoraires était quant à lui 14 fois supérieur à la moyenne, ce qui lui a permis d’enregistrer un chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros.

    "Il m’a massacré la bouche"

    Au procès, les anciens patients du Dr Guedj se succèdent à la barre pour raconter leurs douleurs. "J'étais venu le voir pour une dent qui me faisait mal. Il m'a dit qu'il fallait dévitaliser toutes mes dents. Je lui ai fait confiance. Il avait un beau cabinet, il était gentil. J'ai dû faire retirer à l'hôpital un morceau de fer qu'il avait oublié pendant l'opération", a témoigné Yamina Abdesselem, 60 ans, citée par Europe 1."Aujourd'hui, je n'ai plus aucune dent, et je vis avec deux appareils qui tiennent avec beaucoup de colle. Pourquoi a-t-il fait cela ?". "En trois mois, il m'a fait toute la bouche. Il m'a aiguisé toutes mes dents et il m'a dévitalisé 13 dents. Il m'a massacré la bouche", a raconté une autre patiente, Lamia Hammami.

    Jeudi 3 mars, le Dr Guedj a reconnu péniblement à la barre avoir "manqué de recul". "On était pris dans un engrenage et un rythme de travail important. J’ai été aveuglé par certaines choses, et il y a eu un manque de lucidité de ma part. (...) Disons qu’on avait un tel nombre de patients dans le cabinet que oui, il y a eu des erreurs médicales qui ont été faites."  Son procès doit s’achever le 8 avril. Il encourt dix ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----