Interview du week-end

"Tout le monde peut utiliser un défibrillateur !"

Depuis le 1er janvier 2022, le quasi-totalité des lieux recevant du public doivent être équipés de défibrillateurs. Mais comment utiliser ces dispositifs essentiels pour sauver des patients victimes d'arrêts cardiaques ou respiratoires ? Le Pr Jérôme Garot, cardiologue à l'hôpital Jacques Cartier de Massy (Essonne), rappelle la simplicité d'usage de ces appareils.

  • Par Thierry Borsa
  • Chalabala/iStock
  • 20 Fév 2022
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    - Pourquoi Docteur : la liste des établissements recevant du public qui doivent s’en équiper a été complétée depuis le 1er janvier. Il y a donc de plus en plus de lieux où l’on en trouve. Mais un défibrillateur, à quoi cela sert ? Comment cela agit ?

    Pr Jérôme Garot : Un défibrillateur automatique externe comme ceux qui sont installés dans les lieux qui reçoivent du public, cela permet d’intervenir en urgence sur un patient inconscient, qui ne respire pas normalement, qui ne réagit plus aux questions et qui n’a plus de pouls au niveau des carotides. Dans de telles circonstances, une personne peut être considérée en état de mort subite ou apparente. Pour tenter de la sauver, le défibrillateur doit être utilisé par quelqu’un qui en connait le fonctionnement. Une fois que les électrodes ont été posées sur le patient, défibrillateur va fonctionner tout seul, il va reconnaître le rythme cardiaque du patient et il va dire à ceux qui interviennent si le rythme est anormal et chocable auquel cas ils doivent appuyer sur le bouton qui va déclencher le choc électrique pour remettre les battements cardiaques en rythme sinusal et redonner vie au patient.

    Il y a aussi des défibrillateurs entièrement automatiques qui, eux, font le travail tout seul une fois que les électrodes ont été posés. Avec un algorithme de reconnaissance du rythme cardiaque, il va décider tout seul si oui ou non il délivre un choc électrique.

    - Quelle réaction physique ce dispositif provoque-t-il chez le patient ?

    Cela permet pour le patient de passer d’un rythme cardiaque inefficace, d’une situation où il n’y a plus de pulsation artérielle et de débit cardiaque à une reprise d’un rythme cardiaque régulier et efficace qui va réveiller le patient et le sortir de son état de mort apparente.

    - A quel point le recours à un défibrillateur augmente les chances de survie ?

    On sait très bien, que si on laisse le patient en état de mort apparente sans rien faire, même si les secours sont appelés -mais il leur faut le temps d’intervenir-, les chances de survie sont extrêmement faibles, ne dépassant pas 5 à 10% au mieux. Et ce que l’on sait également, c’est qu’il faut agir le plus rapidement possible, dans les toutes premières minutes. Pour chaque minute qui s’écoule, les chances de survie baissent de 7 à 10% si vous n’agissez pas rapidement. A la première minute, les chances sont optimales, autour de 80% mais à la 10ème ou 12ème minute il ne reste aucune chance de survie. C’est pour cela que le délai est extrêmement important et qu’il faut agir vite et bien.

    - Mais est-ce que tout le monde, sans avoir été formé, peut utiliser un tel dispositif ?

    Tout le monde peut utiliser un défibrillateur ! Il n’y a pas besoin de formation spécifique. Un décret de mai 2007 autorise chacun à utiliser ce dispositif pour porter secours. Le problème c’est que les gens sont parfois effrayés à l’idée d’utiliser ce type de matériel, ils ne l’ont jamais fait, et c’est en cela que la formation en amont est extrèmement importante : tout le monde peut mais tout le monde n’ose pas ! C’est pour cette raison que les établissements qui installent ces dispositifs doivent communiquer largement sur l’endroit où trouver cet appareil et montrer à tous ceux qui partagent ou fréquentent ces locaux que c’est simple à utiliser, qu’il ne faut pas en avoir peur, qu’il n’y a aucun risque pour celui qui l’utilise et que cela permet de sauver des vies de manière très significative !

    - Concrètement, quels sont les gestes à faire ?

    La première chose à faire, c’est sortir du pack les deux électrodes du défibrillateur, de coller la première sous la clavicule droite du patient inanimé et la deuxième sous le sein gauche, un peu vers l’extérieur. Et là, lorsque le défibrillateur a été allumé, il va vous guider et il suffit de suivre les instructions qui sont très simples. Avec. Cela, vous avez toutes les chances de sauver la vie de la victime.

    - Face à une personne inanimée, utiliser le défibrillateur doit être le premier réflexe ?

    Face à toute personne inanimée, il y a trois choses à faire : d’abord appeler les secours, ensuite démarrer un massage cardiaque externe sur la victime à plat sur le dos en posant les deux mains sur le sternum et en poussant assez fort avec un, rythme de 120 par minute, et enfin mettre en place le défibrillateur dès que possible

    - Est-ce qu’une mauvaise utilisation peut être préjudiciable pour le patient ?

    Non, il n’y a pas de risque pour le patient : la pire des choses pour le patient, c’est de ne pas l’utiliser ! Et de toute façon, quand vous posez les électrodes sur une personne sans connaissance, si cette personne n’a pas besoin de choc, le défibrillateur ne va pas lui en administrer. Il n’y a donc aucun risque de sur-choc, d’excès de choc avec ce dispositif.

    - Aujourd’hui, comment s’organise la formation pour l’utilisation d’un défibrillateur ?

    Dans l’Education Nationale, il y a un virage qui a été pris il y a déjà plusieurs années à la suite duquel on forme les jeunes aux gestes de premiers secours. On leur apprend à reconnaître une personne en état de mort apparente, le massage cardiaque, comment appeler les secours et on leur donne aussi les notions d’utilisation d’un défibrillateur.

    Ensuite, on peut avoir des séances de « rattrapage » parce qu’il y a de nombreuses applications, souvent sous forme de « serious games », qui permettent de s’entraîner dans différentes situations. Et puis il y a aussi dans les lieux qui reçoivent du public, dans les entreprises, une responsabilité des dirigeants sur la formation du personnel.

    - Faudrait-il rendre ces formations obligatoires ?

    Cela ne soit pas forcément être obligatoire mais c’est évidemment souhaitable, une fois qu’un défibrillateur est installé, que les personnes concernées soient formées pour que ce dispositif puisse avoir toute son efficacité.

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