Psychiatrie

Meurtre de Sarah Halimi : qu'est-ce qu'une "bouffée délirante aiguë" ?

Le 14 avril dernier, la Cour de cassation a confirmé l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, qui aurait été pris au moment du meurtre d'une "bouffée délirante aiguë". Retour sur cette pathologie psychiatrique, au cœur d'un débat politico-judiciaire. 

  • Par Mathilde Debry
  • :tadamichi / istock.
  • 26 Avr 2021
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    En s’appuyant sur sept expertises psychiatriques, la Cour de cassation a tranché : il n’y aura pas de procès pour l’assassinat de Sarah Halimi, car au moment des faits, le meurtrier Kobili Traoré, sous l’emprise d’une "bouffée délirante aiguë", n’était pas responsable de ses actes. Cette décision, dans un contexte de recrudescence d’actes antisémites, a choqué une bonne partie de l’opinion, qui a manifesté dimanche 15 avril un peu partout en France.


    La définition d'une bouffée délirante aiguë

    Mais qu’est-ce qu’une bouffée délirante aiguë ? La bouffée délirante aiguë est caractérisée par l’apparition brutale d’un épisode de délire, et peut durer quelques heures, quelques jours ou quelques semaines.

    La personne atteinte n’a pas conscience qu’elle délire et ne manifeste aucun recul par rapport à ses pensées et à son discours décousu. Les hallucinations sensorielles sont fréquentes. Sa perception de la réalité est modifiée, le fonctionnement de son esprit est profondément bouleversé et ses relations avec le monde extérieur sont très perturbées.

    Touchant plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes, la bouffée délirante aigue est souvent spectaculaire et doit absolument être prise en charge en urgence dans un service hospitalier de psychiatrie.


    Quels sont les facteurs déclenchants d’une bouffée délirante aiguë ?

    La bouffée délirante aiguë arrive dans la plupart du temps chez des personnes fragiles psychologiquement et mal adaptées sur le plan social et/ou professionnel, qui vont décompenser de façon brutale par un "délire hallucinatoire". Dans la plupart des cas, il existe un facteur déclenchant identifiable dont la survenue apparaît comme "la goutte d’eau qui fait déborder le vase".

    Parmi ces facteurs, on trouve des chocs émotionnels : deuil, échec professionnel ou scolaire, séparation conjugale, accident, accouchement, surmenage... Mais également la prise de toxiques, comme l’alcool, les drogues (LSD, cocaïne, amphétamines...) ou de médicaments (antidépresseurs, corticoïdes, antituberculeux...). Ainsi, l’assassin de Sarah Halimi a développé une bouffée délirante aigue suite à une forte consommation de cannabis. C’est ici important de préciser que la prise de toxiques, tout comme les chocs émotionnels, sont souvent les accélérateurs d’une pathologie mentale pré-existante."S’il est vrai que Kobili Traoré consommait régulièrement du cannabis depuis l’âge de 15 ans, celui-ci n’a été qu’un facteur favorisant, parmi d’autres, de son trouble psychotique", explique dans Le Monde l’un des groupes d’experts psychiatriques ayant évalué l’assassin de Sarah Halimi.


    Quels sont les signes annonciateurs d’une bouffée délirante aiguë ?

    Avant de se déclencher, la bouffée délirante aigue est précédée de signes annonciateurs, que l’on appelle des "prodromes". Ils apparaissent 3 à 4 jours avant la crise mais passent souvent inaperçus : troubles du sommeil, anxiété ou bizarreries du comportement… Le début de la bouffée délirante est généralement très brutal et caractérisé par une rupture franche avec l’état antérieur de la personne que l’on compare à "un coup de tonnerre dans un ciel serein".

    "Dans les jours qui ont précédé son passage à l’acte, Kobili Traoré était halluciné, soliloquait en répondant à des voix imaginaires, inquiétait tout le monde, y compris ses parents, ses voisins maliens qu’il avait séquestrés et qui avaient appelé la police… Lui-même, persuadé d’être en danger de mort, poursuivi par des démons, était préalablement allé à la mosquée, avait consulté un exorciste, pensait que son beau-père voulait le « marabouter », que l’auxiliaire de vie (d’origine haïtienne) de sa sœur lui appliquait des rituels vaudous…", rapportent les experts en psychiatrie chargés d’évaluer le meurtrier de Sarah Halimi.

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