L'interview du week-end
Asthme : "On a encore environ 900 décès par an, dont une soixantaine d’enfants"
Les crises d’asthme sont souvent associées au printemps et aux pollens. Pourtant, le froid et l’hiver peuvent aussi mettre les asthmatiques en grande difficulté. Le pneumologue Jean-Philippe Santoni, membre de la Fondation du Souffle, partage ses conseils pour gérer cette maladie chronique lorsque les températures baissent.
Pourquoi Docteur : Combien de personnes sont concernées par l’asthme en France ? Quelles sont les plus touchées ?
Dr Jean-Philippe Santoni de la Fondation du Souffle : L’asthme est une maladie respiratoire très fréquente. L’OMS estime qu’il y a 260 millions de personnes asthmatiques, soit au-delà de la population des États-Unis. En France, 4 millions de personnes en souffrent, dont la moitié sont des enfants.
Les garçons sont un peu plus touchés avant la puberté tandis qu’à l’âge adulte, on compte un peu plus de femmes. Pourquoi ? Certains asthmes cessent à la puberté sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Des hypothèses avancent que cela pourrait être lié à des phénomènes hormonaux.
Toutefois, il n’existe pas un asthme, mais des asthmes. Les causes et les expressions cliniques sont très différentes d’un patient à l’autre. On ne connaît pas encore la cause directe et unique de l’asthme. En revanche, on sait qu’il existe des prédispositions familiales. Le risque de développer un asthme est plus élevé si d’autres membres de la famille sont déjà asthmatiques. La maladie est aussi plus fréquente chez les personnes allergiques. L’urbanisation joue aussi un rôle. Facteurs plus récemment identifiés, on sait maintenant que les prématurés ainsi que les enfants dont un ou deux parents fument, ont plus de risque d’être asthmatiques. Par ailleurs, les nourrissons qui ont eu des bronchiolites à répétition (au moins 3), ont plus de risque de développer un asthme en grandissant. Enfin, le surpoids et l’obésité sont d’autres facteurs de risques aussi bien chez les enfants que les adultes.
"Deux éléments importants peuvent générer de l’asthme en hiver"
On associe souvent l’asthme à la saison des pollens, mais il s’agit d’une maladie chronique toujours bien présente l’hiver. Quels sont les facteurs de risques déclencheurs de crises pour les asthmatiques lorsqu’il fait froid ?
Deux éléments importants peuvent générer de l’asthme en hiver. Le premier est de faire de l’exercice dans le froid. Le refroidissement de la muqueuse des voies respiratoires va inhiber leur mécanisme de lutte contre les infections. Le fonctionnement ciliaire des muqueuses est stoppé ou diminué sans qu’on ne sache pourquoi, et cela favorise l’irritation des petites bronches situées en aval.
Le deuxième élément est que le froid inhibe le fonctionnement de certains globules blancs qui normalement attaquent les virus, les microbes et certaines particules.
Par ailleurs, il y a une conséquence secondaire à l’hiver. Les gens sont plus souvent dans des espaces confinés (leur logement, leurs bureaux…) que dehors. Or, à l'intérieur, l’air est plus pollué. Il y a beaucoup plus de virus, mais aussi plus de polluants. Le premier est le tabac. Il est à l’origine de nombreuses crises d’asthme. Lorsque la qualité de l’air est bien moins bonne, le système respiratoire est plus sollicité, et les risques de crises d’asthme et d’infections sont plus grands.
"L’asthmatique qui contracte une grippe, a plus de risque de faire une pneumonie"
Quels sont les risques et les conséquences de l’asthme ?
L’asthme est une maladie chronique instable : elle survient par crise. Mais pour la plupart des asthmes, dans l’intervalle des crises, il n’y a pas de conséquence. La fonction respiratoire est normale entre les crises. Par contre, les personnes chez qui l’asthme est mal contrôlé, lié le plus souvent à un mauvais suivi des traitements, peuvent souffrir de troubles du sommeil, car les crises surviennent souvent la nuit. Ils présentent aussi fréquemment de la fatigue et des difficultés de concentration. L’autre conséquence est l'absentéisme, surtout à l’école. C’est la première cause d'absentéisme scolaire en France.
Concernant les asthmes sévères, soit environ 10 % des cas, les conséquences peuvent être encore plus graves. Les patients sont admis à l'hôpital pour être traités, et cela peut aller jusqu’au décès, par insuffisance respiratoire. C’est rare, mais c’est dramatique.
On a encore environ 900 décès par an, dont une soixantaine d’enfants dans l’Hexagone. L'asthme est ainsi une maladie chronique potentiellement grave et très anxiogène.
Y a-t-il des complications particulières à la saison hivernale ?
Les complications de l'asthme pendant l'hiver sont essentiellement liées aux infections respiratoires. L’asthmatique qui contracte une grippe, a plus de risque de faire une pneumonie ou d’avoir une exacerbation de l’asthme., c’est-à-dire qu’il a des crises d’asthme plus fréquentes et plus sévères.
Asthme : "Limiter l’activité physique dehors quand il fait froid"
Comment réduire les risques de crise d’asthme l’hiver ?
Une des difficultés auxquelles nous faisons face est l’observance au traitement du patient, c'est-à-dire le bon suivi du traitement. Il peut être compliqué, car dans l’intervalle des crises, l’asthmatique ne ressent pas de gênes respiratoires, il peut donc oublier de prendre son traitement.
La principale recommandation est ainsi de bien suivre le plan d’action personnalisé – mis au point par l’équipe pluridisciplinaire (médecin, pharmacien, kiné, infirmière) qui suit la personne asthmatique. Comme les asthmes peuvent être différents, les soins proposés varient d’un patient à l’autre.
Il y a aussi des conseils généraux à suivre l’hiver. La vaccination contre la grippe est une précaution importante contre les complications comme les pneumonies et l’exacerbation de l’asthme déjà évoquée.
À l’extérieur, il faut couvrir sa bouche et son nez avec une écharpe pour respirer un air moins froid. Il est aussi préférable de respirer par le nez, car ce dernier permet de filtrer, réchauffer et humidifier l’air. C’est un filtre naturel encore plus efficace qu’un masque.
Quatrième précaution : limiter l’activité physique dehors quand il fait froid. Précision : l’activité physique reste conseillée aux asthmatiques. Cela permet une meilleure prise en charge. Mais il faut éviter de le faire à l’extérieur si l’air est trop froid ou trop sec. Et même si les températures ne sont pas trop fraîches, il y a une précaution à prendre avant de faire du sport : il faut faire un échauffement d’une quinzaine de minutes pour habituer les bronches à la température.
Autre point important aussi bien l’hiver que l’été : bien s’hydrater. On y pense moins l’hiver, mais il est important de bien s’hydrater. La sécheresse des muqueuses est un des facteurs déclenchants des crises d’asthme.
Pollution de l’air intérieur et asthme : "Il faut aussi aérer au moins 15 à 20 min deux fois par jour"
Et comment lutter contre la pollution de l’air intérieur, autre facteur de risque de crises pour les asthmatiques ?
Il faut aussi aérer son logement ou les locaux qu’on occupe au moins 15 à 20 min deux fois par jour. Trois fois, c’est mieux.
Si c’est possible, il est bon aussi de dormir la fenêtre ouverte, car la qualité de l’air intérieur est bien moins bonne que celle de l’air extérieur. Et cela, même en cas de pic de pollution.
Pour améliorer la qualité de l’air, il faut également limiter les sources de pollution intérieure : le tabac, certaines peintures, certains aménagements, certaines moquettes ou encore les produits ménagers. Il faut être particulièrement vigilant avec les aérosols.
Autre précaution à prendre pour les asthmatiques : passer l’aspirateur. Je recommande ceux avec sac, car lors de l’ouverture des appareils sans sac, la poussière peut s’échapper et déclencher des crises d’asthme.