Pédiatrie
Prématurité : quelques heures d’exposition à la bêtaméthasone peuvent tout changer
Même une brève exposition à une première injection de bêtaméthasone anténatale avant un accouchement extrêmement prématuré améliore nettement la survie et diminue les complications néonatales sévères. Chaque heure supplémentaire entre l’administration et la naissance renforce cet effet protecteur.
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- Jose Luis Carrascosa/istock
L’administration d’une corticothérapie anténatale chez des femmes enceintes menaçant d’accoucher prématurément est reconnue pour réduire la mortalité et plusieurs morbidités néonatales, telles qu’un syndrome de détresse respiratoire, une hémorragie neuroméningée et une entérocolite nécrosante. Idéalement, un schéma complet de bêtaméthasone consiste en deux doses intramusculaires espacées de 24 heures, mais près d’un quart des nouveau-nés extrêmement prématurés reçoivent uniquement une fraction du protocole, le temps d’exposition in utero pouvant être limité par un accouchement urgent.
Dans ce travail, mené aux États-Unis sur des nouveau-nés de 22 0/7 à 27 6/7 semaines de gestation, l’objectif était d’évaluer l’association entre la durée d’exposition à la première dose de bêtaméthasone et la survie et l’absence de morbidités majeures. Selon les résultats publiés dans JAMA Network Open, parmi 7464 naissances, 1806 nouveau-nés ont été inclus (475 sans corticothérapie anténatale et 1331 avec une seule dose de bêtaméthasone administrée moins de 24 heures avant la naissance).
L’intervalle médian entre l’injection et la naissance était de 3,8 heures. Chaque heure supplémentaire avant l’accouchement était associée à une hausse de 1 % du taux de survie (RRajusté = 1,01 ; IC à 95 % : 1,00–1,01) et une hausse de 1 % à 2 % de la probabilité de survie sans morbidité sévère. Extrapolée sur six heures, cette augmentation atteignait environ 4 % à 9 % de bénéfice relatif.
Bénéfice temps-dépendant d’une dose de bêtaméthasone
Ces observations confirment, pour des gestations très précoces, la tendance déjà suggérée dans d’autres cohortes où les bénéfices de la corticothérapie anténatale apparaissent rapidement, puis augmentent avec le délai entre administration et naissance. Dans cette étude de cohorte, les nouveau-nés exposés même quelques heures seulement à la bêtaméthasone ont moins de complications graves, telles que l’hémorragie intracrânienne ou la détresse respiratoire, que ceux n’ayant pas reçu d’ANS. Les résultats sont cohérents avec des travaux expérimentaux montrant que l’effet des corticoïdes peut se manifester dès la première heure, en partie grâce à des mécanismes non génomiques (ex. : augmentation de la compliance pulmonaire ou régulation de la pression artérielle).
La tolérance à court terme de cette corticothérapie partielle n’a pas soulevé de signal alarmant dans cette étude, en accord avec les données usuelles rapportées en néonatologie. En revanche, comme dans toute analyse observationnelle, il subsiste la possibilité de facteurs confondants, par exemple la gestion obstétricale spécifique ou l’indication urgente à l’accouchement, pouvant influer à la fois sur la décision d’administrer les stéroïdes et sur les issues néonatales.
Une analyse d’une large cohorte multicentrique
Les auteurs ont exploité une cohorte multicentrique récente (2016–2021) relevant du Neonatal Research Network, laquelle fournit des données prospectivement recueillies et harmonisées, réduisant le risque de biais de mesure. Tous les nouveau-nés présentant des anomalies congénitales majeures ou non réanimés à la naissance ont été exclus, et les facteurs pédiatriques et maternels pertinents (âge gestationnel, sexe, naissance multiple, mode d’accouchement, etc.) ont été pris en compte dans les analyses. Le critère principal reposait sur la survie jusqu’à la sortie de l’hôpital ; le critère secondaire associait la survie et l’absence de complications sévères. Malgré une possible confusion résiduelle (état maternel, indication obstétricale), cette approche robuste confère une bonne validité interne et externe.
Selon les auteurs, ces conclusions plaident en faveur d’une administration précoce de la bêtaméthasone dès que se profile un risque imminent d’accouchement extrêmement prématuré, même si un protocole complet ne peut être complété dans le délai idéal (24 heures). Chaque heure gagnée entre l’injection et la naissance apporte un surcroît de protection néonatale. En l’état, cette étude conforte l’idée qu’anticiper, autant que possible, la corticothérapie anténatale procure un bénéfice mesurable sur la survie et la morbidité des grands prématurés.
En résumé, chez des nouveau-nés extrêmement prématurés, même une dose unique de bêtaméthasone anténatale administrée quelques heures avant la naissance a montré un effet protecteur quantifiable. Ce bénéfice souligne l’importance d’une administration systématique et précoce des corticoïdes anténatals lorsque l’accouchement précoce semble inévitable.