Hématologie

Leucémie lymphoblastique de l’enfant : un anticorps bispécifique en 1ère ligne

Chez les enfants atteints de leucémie aiguë lymphoblastique B (LAL-B) à risque moyen ou élevé de rechute, l’ajout de deux cycles de blinatumomab à la chimiothérapie standard augmente la survie sans rechute de près de 8 points à 3 ans. Ce bénéfice s’accompagne d’une tolérance globalement satisfaisante, malgré une hausse modérée du risque infectieux.

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  • 08 Déc 2024
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    Au cours des cinq dernières décennies dans la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) de l’enfant, les taux de guérison ont significativement progressé, mais les progrès récents stagnent malgré les essais d’intensification de la chimiothérapie conventionnelle. Le blinatumomab, un anticorps bispécifique dirigé anti-CD19 et CD3, permet aux lymphocytes T de cibler sélectivement les cellules B malignes. Son efficacité a déjà été démontrée en rechute chez l’enfant et en première ligne chez l’adulte, mais son impact chez l’enfant nouvellement diagnostiqué avec LAL standard à risque moyen ou élevé de rechute restait inconnu.

    Une large étude internationale randomisée conduite par le Children’s Oncology Group (COG) chez des patients répondant à la définition standard du National Cancer Institute (NCI) a évalué l’ajout de deux cycles non séquentiels de blinatumomab à la chimiothérapie standard. L’étude a été arrêtée prématurément en raison d’un bénéfice important lors de la première analyse pré-spécifiée. D’après les premiers résultats présentés au congrès annuel de l’ASH et publiés conjointement dans le New England Journal of Medicine, l’amélioration significative de la survie sans rechute à 3 ans est majeure : 96,0% sous blinatumomab + chimiothérapie versus 87,9% avec chimiothérapie seule (p<0,001), démontrant un gain substantiel de 72 jours en durée de survie sans événement.

    Un maintien du bénéfice dans les sous-groupes

    L’effet bénéfique de l’anticorps bispécifique en add-on se retrouve dans les sous-groupes définis selon le risque de rechute : la survie sans rechute à 3 ans passe ainsi à 97,5% dans le groupe « risque moyen » (contre 90,2% sans blinatumomab) et à 94,1% dans le groupe « risque élevé » (contre 84,8% respectivement).

    Les analyses post-hoc suggèrent un bénéfice cohérent, quel que soit le profil cytogénétique, l’origine ethnique ou le niveau de maladie résiduelle minimale après l’induction. Le blinatumomab réduit en particulier les rechutes médullaires, sans incidence majeure sur le taux de rechutes isolées du système nerveux central.

    Concernant la tolérance, les effets indésirables sévères (grade ≥3) directement liés aux cycles de blinatumomab, tels que le syndrome de relargage de cytokines ou les crises convulsives, restent rares. Cependant, dans le sous-groupe à risque moyen, une augmentation du taux d’infections sévères (notamment sepsis et infections liées au cathéter) a été observée après les cycles de blinatumomab, durant l’intensification retardée de la chimiothérapie. Ces données suggèrent un effet immunomodulateur persistant, nécessitant une vigilance accrue.

    Une large étude randomisée sur une stratégie « chemo-immunothérapie »

    Cette étude de phase 3, internationale et randomisée, s’appuie sur un effectif important (plus de 1400 patients) et un suivi médian de 2,5 ans, apportant une solidité méthodologique et une représentativité large des enfants traités dans le cadre des protocoles pédiatriques modernes. L’intégration du blinatumomab, sans modification majeure du schéma de chimiothérapie, valide une stratégie dite « chemo-immunothérapie » efficace dès le diagnostic dans la LAL-B pédiatrique standard à risque.

    Ces résultats, comparables à ceux obtenus chez les patients au pronostic le plus favorable, ouvrent la voie à des ajustements thérapeutiques futurs. L’enjeu consistera à déterminer si le blinatumomab permet, dans certains cas, de réduire progressivement l’intensité de la chimiothérapie et ainsi d’alléger la charge toxique, tout en maintenant des taux de guérison élevés.

    Des études complémentaires sont nécessaires pour préciser la durée optimale de traitement par blinatumomab, clarifier son efficacité chez les populations à plus haut risque, évaluer son impact à long terme, ainsi que son interaction avec d’autres approches immunothérapeutiques telles que les CAR-T. Enfin, des développements visant à faciliter l’administration (e.g. voie sous-cutanée) et à pallier le surcroît de risque infectieux seront indispensables pour garantir un accès équitable à cette approche thérapeutique et améliorer encore la qualité de vie des enfants atteints de LAL-B.

     

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