Diabétologie
Insuffisance cardiaque et diabète : lien fort avec la durée et le mauvais contrôle
Au cours du diabète de type 1 ou 2, une longue durée d’évolution de la maladie est associée à un plus grand risque d’insuffisance cardiaque, en particulier en cas de mauvais contrôle de la glycémie. Un processus probablement en lien avec de multiples causes mais un ajustement du suivi est nécessaire.
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Selon une étude publiée récemment dans la revue J Clin Endocrinol Metab, plus la durée du diabète est longue, moins le diabète est équilibré, plus le taux d'insuffisance cardiaque incidente serait élevé : c’est ce qui ressort d’une analyse des données observationnelles de la UK Biobank recueillies de manière prospective auprès de près de 24 000 diabétiques de type 1 et 2.
La conclusion pratique selon les auteurs est que les cliniciens devraient tenir compte plus systématiquement de la durée du diabète lors de l'évaluation du risque d'insuffisance cardiaque chez les diabétiques : la détection proactive de l'insuffisance cardiaque (peptides natriurétique, échographie) devrait probablement même être intensifiée avec l’augmentation de la durée du diabète.
Importance de la durée d’évolution du diabète
L'étude de la UK Biobank a été menée par des chercheurs principalement basés en Chine et comprenait les données de 23 754 personnes atteintes de diabète de type 1 ou de type 2 et ne souffrant pas d'insuffisance cardiaque au départ. Les données recueillies prospectivement ont permis un suivi médian de 11,7 ans, au cours duquel 2 081 personnes ont développé une insuffisance cardiaque incidente.
Dans une analyse qui a réparti les participants en quatre catégories de durée du diabète (< 5 ans, 5-9 ans, 10-14 ans et ≥ 15 ans) avec un ajustement sur les facteurs confondants potentiels, l'incidence de l'insuffisance cardiaque est significativement augmentée de 32% chez les personnes atteintes d'un diabète depuis ≥ 15 ans par rapport à celles atteintes d'un diabète depuis < 5 ans. Les personnes ayant une durée de diabète de 5-14 ans ont une tendance à avoir plus d'insuffisance cardiaque incidente par rapport à celles ayant un diabète depuis < 5 ans, mais la différence n’est pas significative.
Le mauvais contrôle du diabète joue un rôle aggravant
Il y aurait, de plus, un effet additif avec un mauvais contrôle glycémique. Une analyse ajustée montre qu'un mauvais contrôle glycémique au départ (HbA1c ≥ 8,0 %) est significativement lié à une augmentation de 46% de l'incidence de l'insuffisance cardiaque par rapport à ceux dont l'HbA1c au départ était < 7,0 %.
Les patients souffrant de diabète depuis au moins 15 ans et avec une HbA1c ≤ 8,0% au départ auraient une incidence d'insuffisance cardiaque 98% plus élevée que ceux souffrant de diabète depuis moins de 5 ans et avec une HbA1c < 7,0% au départ, après ajustement. Cette association serait indépendante de l'âge, du sexe et de la race.
Selon les auteurs, ces résultats « soulignent le rôle primordial de la durée du diabète et de son interaction avec le contrôle de la glycémie dans le développement de l'insuffisance cardiaque ». « Une longue durée de diabète et un mauvais contrôle de la glycémie pourraient entraîner des changements structurels et fonctionnels du myocarde, ce qui est susceptible de sous-tendre la pathogenèse de l'insuffisance cardiaque chez les personnes atteintes de diabète ».
Une accumulation de preuves
Selon un éditorial associé, ces résultats « s'ajoutent à un ensemble croissant de preuves suggérant que la durée du diabète est un déterminant important et indépendant de l'insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques ». Collectivement, les nouveaux résultats de la UK Biobank et les résultats précédents « fournissent des preuves supplémentaires convaincantes sur la réalité du lien entre la durée du diabète et l'insuffisance cardiaque », bien que les mécanismes physiologiques à l'origine de cette relation restent incomplètement compris,
« La durée du diabète peut refléter les effets cumulatifs de divers processus indésirables dans le cadre du diabète » qui entraîneraient des « lésions myocardiques intrinsèques ». Ces processus indésirables pourraient inclure « non seulement l'hyperglycémie, mais aussi la glucotoxicité, la lipotoxicité, l'hyperinsulinémie, les produits finaux de la glycosylation avancée, le stress oxydatif, le dysfonctionnement mitochondrial, la neuropathie cardiaque autonome et le dysfonctionnement microvasculaire coronaire ». « Une longue évolution du diabète peut également contribuer au déclin de la fonction rénale, ce qui peut encore aggraver le risque d'insuffisance cardiaque ».