Gynéco-obstétrique
Vaginose bactérienne : traiter le partenaire masculin pour éviter les récidives
Traiter le partenaire masculin en même temps que la patiente réduit significativement les récidives de vaginose bactérienne dans une étude randomisée. Cette démonstration milite en faveur de la reconnaissance du statut d’infection sexuellement transmissible de la vaginose bactérienne.

- Doucefleur/istock
La vaginose bactérienne est la dysbiose vaginale la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer, affectant environ 30% d’entre elles dans le monde. Elle se manifeste par un déséquilibre des lactobacilles et une prolifération d’espèces anaérobies, avec des conséquences notables : augmentation du risque d’infection sexuellement transmissible (IST), complications obstétricales, pertes malodorantes.... Malgré un traitement de première intention par métronidazole ou clindamycine, plus de la moitié des patientes rechutent à 3 mois.
Longtemps considérée comme une simple dysbiose sans implication majeure de la transmission sexuelle, la vaginose bactérienne a pourtant de nombreuses caractéristiques d’une infection sexuellement transmissible : association à de nouveaux partenaires, portage de bactéries associées à la vaginose bactérienne sur la verge du partenaire (distalité urétrale, espace sous-préputial), et corrélation entre la composition du microbiote pénien et le risque de vaginose bactérienne chez la femme. Jusqu’à présent, les essais portant sur le traitement du partenaire masculin n’avaient pas démontré de bénéfice clair pour diminuer les récidives, ce qui maintenait une forme de scepticisme sur sa composante sexuelle.
Une antibiothérapie orale et topique chez le partenaire masculin
Dans un essai contrôlé randomisé (StepUp) mené en Australie, 150 femmes souffrant de vaginose bactérienne et leur partenaire masculin régulier ont été randomisés en deux groupes : le « groupe intervention » (femme recevant le traitement de première ligne recommandé + partenaire traité par métronidazole oral et crème de clindamycine topique 2% appliquée sur le pénis, deux fois par jour pendant 7 jours) et le « groupe témoin » (femme seule traitée, sans traitement pour le partenaire).
Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine, révèlent un taux de récidive à 12 semaines de 35% chez les femmes dont le partenaire était traité, contre 63% dans le groupe témoin. Le risque de récidive mesuré en personne-années s’établit à 1,6 vs 4,2 respectivement, soit une différence absolue de −2,6 récidives par personne-année (IC à 95 % : −4,0 à −1,2 ; p<0,001). Les quelques effets indésirables relevés chez les hommes traités (nausées, céphalées, goût métallique) sont restés limités.
Importance du traitement topique associé à l’antibiothérapie orale
Cette nouvelle approche diffère des précédentes études négatives où les traitements chez l’homme se limitaient à une monothérapie orale de courte durée. L’addition d’un traitement topique (clindamycine 2 %) pourrait être déterminante pour éradiquer la colonisation cutanée péni-urétrale de germes responsables de la vaginose bactérienne. Les hommes non circoncis (80 % des cas dans l’essai) présentent un risque accru de portage. De même, chez un nombre non négligeable de femmes, l’usage d’un dispositif intra-utérin (28 % à 33 %) est un facteur reconnu de récidive. Les analyses de sous-groupes suggèrent un bénéfice cohérent, même si l’effectif global reste modeste (essai interrompu plus tôt que prévu pour efficacité).
En termes de tolérance, les effets secondaires masculins liés au traitement antimicrobien combiné s’avèrent rares et d’intensité généralement légère à modérée : quelques cas de céphalées, nausées ou altération passagère du goût, et très peu d’abandons. L’observance masculine (14 % déclarant moins de 70 % de doses prises) souligne néanmoins la nécessité d’une bonne collaboration des partenaires. Les effets indésirables chez la femme (nausées, candidoses vaginales) restent comparables à ceux habituellement rapportés avec le métronidazole ou la clindamycine.
Une étude multicentrique randomisée
Cette étude multicentrique australienne a inclus 164 couples en monogamie, dont 150 ont mené à bien le suivi de 12 semaines. Les investigateurs ont documenté l’adhésion thérapeutique et le statut clinique post-traitement. Les limites incluent une majorité de participants d’origine européenne ou du Pacifique occidental, et un arrêt prématuré de l’essai devant l’efficacité observée. On ignore donc si les conclusions s’appliquent aux populations plus diverses ou à des couples non monogames, tout en notant que la vaginose bactérienne est particulièrement prévalente chez certaines populations sous-représentées dans cette cohorte.
Selon un éditorial associé, ces données militent pour une modification de la prise en charge de la vaginose bactérienne : expliquer son potentiel de transmission sexuelle, encourager le traitement du partenaire masculin (antibiothérapie orale + topique) afin de réduire nettement les récidives. Cela impose de sensibiliser les hommes à l’importance de leur rôle dans la prévention des réinfections et de suivre leur observance. Des essais complémentaires sont attendus pour confirmer ces résultats dans des populations plus hétérogènes, évaluer l’effet de la circoncision ou d’autres facteurs confondants, et étendre cette approche à des partenaires multiples ou à des configurations de couple différentes. Il conviendra également d’optimiser les modalités thérapeutiques (durée, formes galéniques) afin d’établir des recommandations standardisées.