Chirurgie orthopédique
Luxation récidivante de l’épaule : pas de limitation fonctionnelle avec le Latarjet
La technique chirurgicale de Latarjet, utilisée dans l'instabilité antérieure de l’épaule, permettrait de récupérer totalement les amplitudes en rotations externe et interne à 6 mois

- Jacob Wackerhausen/iStock
Indiquée dans l’instabilité antérieure de l’épaule, la butée de Latarjet fait partie des techniques majoritairement utilisées. Mais quelle amplitude articulaire est véritablement récupérée ? Les modifications anatomiques engendrées par cette chirurgie ont-elles des effets délétères sur l’amplitude finale des mouvements ?
Une équipe internationale, dont a fait partie le Dr Philippe Collin, chirurgien spécialiste de l’épaule à l’Hôpital américain de Paris, a démontré que la récupération de l’amplitude de mouvement (ROM) était complète après ce type d’intervention.
Une étude de cohorte avec analyse de la capture des mouvements
Dans cette étude, un système de capture de mouvement de pointe a été utilisé pour analyser les mesures pré et postopératoires de la ROM chez des patients subissant la procédure Latarjet. Les chercheurs ont émis l'hypothèse d'une récupération complète de la ROM postopératoire après l'intervention de Latarjet, réalisée pour une instabilité antérieure avec réparation capsulaire afin de restaurer davantage la stabilité et la proprioception de l'épaule et de minimiser les micromouvements et l'appréhension.
Les données ont été collectées entre mai 2020 et septembre 2022 de manière prospective pour cet étude de cohorte contrôlée et randomisée. Les 84 patients inclus ont bénéficié d’une stabilisation primaire gléno-humérale Latarjet et ont répondu à différents critères : instabilité antérieure de l'épaule avec défaut osseux glénoïdien >20% ou athlète de contact, suivi de 6 mois et âge compris entre 18 et 65 ans. Toutes les opérations ont été réalisées en position « semi-chaise de plage » sous anesthésie générale avec un bloc interscalénique unique ou un cathéter continu.
Étaient exclus les participants avec un ou plusieurs des critères suivants : déchirure du sous-scapulaire, polytraumatisme contre-indiquant un programme de rééducation, autre traumatisme important du membre supérieur concerné (par exemple, fractures associées de l'omoplate ou de la clavicule, luxation de l'acromio-claviculaire), raideur préopératoire de la jambe, raideur préopératoire (définie par une limitation active et passive dans au moins 2 plans, y compris abduction et élévation antérieure <100°, ER1 <20°, rotation interne <L3), arthropathie de luxation, anémie symptomatique ou insuffisance cardio-respiratoire sévère, non-conformité connue ou suspectée, abus de drogues ou d'alcool, incapacité de jugement ou sous tutelle, incapacité à suivre les procédures de l'étude (par exemple, en raison de problèmes linguistiques, de troubles psychologiques, de démence, de contre-indication à la tomodensitométrie [grossesse], implication de l'investigateur, des membres de sa famille, des employés et d'autres personnes dépendantes , et patients présentant une hyperlaxité définie comme plus de 85° de rotation externe avec le coude sur le côté.
Des résultats probants
Le critère d’analyse principal était la ROM de l’épaule post-opératoire à 6 mois comparée à la ROM de l’épaule ipsilatérale préopératoire et de l’épaule controlatérale normale. Le résultat secondaire était l'effet de l'utilisation d’une écharpe sur la ROM postopératoire. Les caractéristiques de base suivantes ont été évaluées : âge, sexe, côté affecté et dominance du membre. Les patients ont participé à des séances de capture de mouvement en préopératoire et à 6 mois en postopératoire.
La ROM a été mesurée en rotation externe avec l'épaule en adduction (ER1), en rotation externe avec l'épaule en abduction à 90° (ER2), en rotation interne avec le bras en abduction à 90° (IR2) et en élévation active vers l'avant (AE). La différence moyenne de ROM entre le bras opéré et le bras sain controlatéral à 6 mois postopératoires était de 3,4° en ER1, 4,2° en ER2, 2,2° en IR2, et 2,4° en AE.
La sous-analyse des patients avec et sans écharpe n'a révélé aucune différence significative de la ROM entre l'épaule opérée et l'épaule controlatérale à 6 mois dans les deux groupes, à l'exception de l'ER2 dans le groupe écharpe chez lequel l'amplitude de mouvement était de 71° dans le bras opéré et de 79° dans le bras controlatéral. Le score moyen de douleur préopératoire était de 25,7 (IC 95 % 21,4-30,1) contre 13,0 en postopératoire à 6 mois (IC 95 % 9,50-16,5). L'instabilité préopératoire moyenne de l'évaluation numérique unique était de 42,9 (IC à 95 % 38,4-47,3) contre 86,2 en postopératoire à 6 mois (IC à 95 % 83,6-88,7) (P < 0,00001). Le score de Rowe préopératoire moyen était de 38,5 (IC 95 % 34,3-42,7) contre 84,3 au 6e mois postopératoire (IC 95 % 81,1-87,4).
Une récupération complète de la mobilité de l’épaule
Selon, les auteurs, l'intervention de Latarjet réalisée pour une instabilité antérieure avec réparation capsulaire entraîne donc une récupération complète de la ROM dans ER1, ER2 et IR2 à 6 mois postopératoires, avec seulement une légère divergence dans l'élévation active.
L'utilisation d'une écharpe après l'intervention de Latarjet n'apporte aucun avantage par rapport à la récupération postopératoire sans écharpe. Son utilisation affecte négativement la ROM dans ER2, en prenant comme référence le bras controlatéral du même patient, par rapport aux patients qui n'ont pas utilisé de harnais en postopératoire. L'objectif principal du traitement chirurgical est donc entièrement obtenu, à savoir l’obtention d’une épaule stable et fonctionnelle de manière durable.