Dermatologie
Urticaire chronique spontanée : un inhibiteur de BTK comme nouvelle piste de traitement
Chez les patients atteints d’urticaire chronique spontanée non contrôlée par les antihistaminiques H1, le remibrutinib permettrait une amélioration rapide et durable des symptômes (prurit et papules). Le profil de tolérance apparaît favorable, confortant l’intérêt de ce nouvel inhibiteur sélectif de Bruton’s tyrosine kinase (BTK).

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L’urticaire chronique spontanée (UCS) se définit par la récidive chronique de démangeaisons, de papules ou d’angio-œdèmes (ou leur association) pendant plus de 6 semaines, en l’absence de facteur déclenchant spécifique. Cette pathologie altère significativement la qualité de vie, mais son diagnostic est souvent retardé de plusieurs années. Les recommandations internationales préconisent en première ligne des antihistaminiques H1 de deuxième génération, bien que plus de la moitié des patients restent symptomatiques, et qu’une augmentation des doses (jusqu’à 4 fois la posologie standard) n’enraye pas toujours l’activité de la maladie. Lorsque l’UCS persiste, l’ajout d’une biothérapie anti-IgE est recommandé.
Le développement du remibrutinib, un inhibiteur sélectif de la Bruton’s tyrosine kinase (BTK), repose sur la compréhension de la voie FcεRI dans la dégranulation mastocytaire et basophilique. Cette voie intervient dans la libération d’histamine et autres médiateurs pro-inflammatoires à l’origine des symptômes de l’UCS. Les études de phase 2b avaient déjà montré des améliorations cliniques précoces (dès la première semaine) et significatives (diminution du score UAS7, évaluant prurit et papules sur 7 jours) avec un bon profil de tolérance.
Un contrôle de la maladie chez près de la moitié des malades
Deux essais de phase 3 (REMIX-1 et REMIX-2) ont inclus, chacun, près de 450 patients souffrant d’UCS symptomatique malgré la prise d’antihistaminiques H1. Les patients ont été randomisés (2:1) pour recevoir soit du remibrutinib oral à la dose de 25 mg deux fois par jour, soit un placebo, sur une durée de 24 semaines.
À la semaine 12, selon les résultats publiés dans le New England Journal of Medicine, la diminution du score UAS7 est nettement plus importante dans le groupe traité que dans le groupe placebo (p<0,001 pour les deux essais) : en moyenne, la baisse du score avoisine −20 points sous remibrutinib contre −12 à −14 points sous placebo. Cet effet se maintient jusqu’à la semaine 24. Par ailleurs, 47% à 50% des patients du groupe remibrutinib obtiennent un contrôle satisfaisant de la maladie (UAS7 ≤6) et 28% à 31% parviennent à une absence totale de symptômes (UAS7=0) à la semaine 12. Les différences restent marquées en faveur du remibrutinib comparé au placebo (p<0,001).
Rapidité d’action et persistance du remibrutinib
Les analyses secondaires confirment la rapidité d’action : l’atténuation des symptômes est déjà visible dès la première semaine dans le groupe remibrutinib, tandis que la réponse placebo se manifeste plus graduellement. On constate également une amélioration durable à la semaine 24, où la moitié des patients sous remibrutinib ont une bonne maîtrise de leur UCS.
En termes de tolérance, le taux global d’effets indésirables et d’effets indésirables graves est similaire dans les groupes remibrutinib et placebo, témoignant d’un bon profil de tolérance. Les événements indésirables sont le plus souvent légers ou modérés, et sans lien de causalité directe avec le traitement dans la majorité des cas. Toutefois, on note une incidence légèrement plus élevée de pétéchies sous remibrutinib (3,8% versus 0,3%), sans gravité ni retentissement majeur sur la poursuite du traitement (un seul arrêt pour ce motif).
Ces données confirment la sécurité d’emploi déjà entrevue dans les études de phase 2b. Les patients ont par ailleurs conservé un traitement antihistaminique H1 en traitement de fond (posologie standard), et pouvaient recourir à un médicament de secours (un autre antihistaminique H1, à une dose pouvant aller jusqu’à 4 fois la dose approuvée) selon les besoins. Cette stratégie pourrait expliquer, en partie, l’amélioration de certains patients du groupe placebo, tout comme il est classiquement observé un effet placebo non négligeable dans les essais portant sur l’UCS.
Deux essais randomisés en double aveugle sur 450 patients
Ces deux essais (REMIX-1 et REMIX-2) sont des études multicentriques, randomisées, en double aveugle, contre placebo, menées sur 24 semaines, avec un plan de développement harmonisé. Les patients éligibles avaient une UCS persistante malgré un traitement par antihistaminiques H1 de deuxième génération. L’évaluation du critère principal repose sur la variation du score UAS7, un indicateur validé qui intègre la sévérité du prurit et l’importance des papules sur une semaine. La robustesse de ces résultats est soutenue par la similarité des données dans les deux essais et par la cohérence avec les études de phase 2b. La représentativité inclut des patients avec UCS modérée à sévère, mais il reste à confirmer l’efficacité dans des sous-groupes particuliers (comorbidités auto-immunes ou résistances multiples aux antihistaminiques par exemple).
Selon les auteurs, la démonstration de l’efficacité et de la bonne tolérance de remibrutinib pourrait changer la stratégie thérapeutique chez les patients qui ne répondent pas aux antihistaminiques H1, en ajoutant un nouvel outil pharmacologique, en plus des biothérapies anti-IgE (omalizumab) ou anti-IL-4/13 dans l’urticaire. L’effet rapide, visible dès la première semaine, peut s’avérer intéressant pour soulager rapidement les formes rebelles et améliorer la qualité de vie. Les perspectives de recherche doivent évaluer l’efficacité du remibrutinib comparée à l’omalizumab ou à d’autres traitements biologiques, ainsi que sa place exacte dans l’algorithme thérapeutique (en deuxième ligne ou en traitement de secours).
Selon les auteurs, le remibrutinib se positionne comme un inhibiteur sélectif de la voie BTK prometteur pour les patients atteints d’urticaire chronique spontanée persistante. Les résultats encourageants de REMIX-1 et REMIX-2 justifient son intégration potentielle dans la prise en charge, en particulier chez les patients insuffisamment contrôlés par les antihistaminiques H1. Des recherches additionnelles clarifieront la durabilité de son effet, son association avec d’autres traitements et l’impact sur divers profils d’UCS.