Onco-Sein

Cancer du sein précoce : chez qui arrêter la biopsie du ganglion sentinelle ?

Chez des patientes sélectionnées avec un cancer du sein précoce, l’omission de la biopsie du ganglion sentinelle n’altère pas la survie et réduit la morbidité, dans une étude de non-infériorité, ouvrant ainsi la voie à une simplification thérapeutique sans compromis majeur.

  • stefanamer/istock
  • 21 Déc 2024
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    La prise en charge du cancer du sein précoce a longtemps reposé sur la stadification axillaire chirurgicale, initialement par curage ganglionnaire, puis par biopsie du ganglion sentinelle (BGS), afin d’orienter le traitement adjuvant. Toutefois, l’absence de bénéfice thérapeutique net de l’identification systématique des métastases ganglionnaires, conjuguée aux avancées dans la caractérisation biologique des tumeurs, interroge la nécessité de ce geste invasif.

    Dans cet essai randomisé de non-infériorité (INSEMA), incluant plus de 5500 patientes cliniquement N0 (T1-T2 ≤5 cm), dont les résultats ont été présentés au congrès 2024 de la San Antonio Breast Cancer Society et publiés conjointement dans le New England Journal of Medicine, l’omission de la chirurgie axillaire a été comparée à la BGS après chirurgie conservatrice du sein.

    Le critère principal, la survie sans maladie invasive à 5 ans, atteint 91,9 % dans le groupe sans chirurgie axillaire versus 91,7 % dans le groupe BGS, avec un ratio de risque de 0,91 (IC 95 % : 0,73-1,14), satisfaisant au critère de non-infériorité pré-spécifié. Ces résultats s’alignent sur ceux d’une autre étude de référence présentée dans le même article, l’essai SOUND, et indiquent que la survie n’est pas compromise malgré l’absence d’évaluation ganglionnaire chirurgicale.

    Un taux de décès inférieur en l’absence de biopsie du ganglion sentinelle

    Bien que l’omission de la chirurgie axillaire s’accompagne d’une légère augmentation du taux de récidive axillaire (1,0 % contre 0,3 % sous BGS), le taux de décès y est inférieur (1,4 % versus 2,4 %), et l’ensemble des événements invasifs ou de décès reste faible. Sur le plan de la qualité de vie et de la tolérance, les patientes du groupe sans chirurgie axillaire ont moins de lymphœdèmes, conservent une meilleure mobilité du bras et éprouvent moins de douleurs.

    Les analyses de sous-groupes montrent une plus forte proportion de métastases ganglionnaires avec des tumeurs T2 (environ 20,8 %) qu’avec des T1 (10,6 %), soulevant des inquiétudes quant aux implications de l’omission de la BGS chez les patientes porteuses de tumeurs plus volumineuses ou de grade élevé. De plus, près de 9 à 11 % des patientes sans chirurgie axillaire pourraient être potentiellement privées d’une irradiation régionale recommandée en cas de métastases ganglionnaires ou d’un recours optimal à certains traitements adjuvants (ex. inhibiteurs CDK4/6).

    Une modification des pratiques dans une population limitée

    Les données présentées proviennent d’essais de grande envergure (INSEMA, SOUND) menés chez des patientes principalement ménopausées, à tumeur hormonosensible, après imagerie axillaire négative. Ces critères de sélection limitent la généralisation des résultats aux patientes plus jeunes ou porteuses de tumeurs à haut risque (HER2+, triple négatif, grade 3). Néanmoins, la robustesse méthodologique de ces travaux atteste la validité de l’approche dans un profil tumoral fréquent.

    Selon un éditorial associé, les implications cliniques sont majeures : chez une patiente répondant aux critères (T1, faible grade, imagerie axillaire normale), la suppression de la BGS réduit le fardeau thérapeutique sans nuire à la survie. Cette simplification permettra peut-être, dans le futur, de mieux hiérarchiser les « désescalades » thérapeutiques, notamment en tenant compte des préférences des patientes et en intégrant les évolutions de la biologie tumorale. Les travaux en cours devraient affiner la sélection des candidates et préciser les seuils tumoraux ou biologiques au-delà desquels la chirurgie axillaire reste indiquée, permettant une personnalisation accrue des traitements du cancer du sein précoce.

     

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