Gastro-entérologie

Maladie de Crohn après échec aux anti-TNF : anti-IL12 ou anti-IL23 ?

Chez les patients souffrant d’une maladie de Crohn (ou d’une intolérance) aux anti-TNF, la première comparaison directe d’une biothérapie anti-IL12 contre un anti-IL23 semble ressortir en faveur de la 2ème, mais c’est sans compter la complexité de l’immunologie

  • Kwangmoozaa/istock
  • 26 Jul 2024
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    Les cytokines interleukine-12 (IL-12) et interleukine-23 (IL-23) jouent un rôle crucial dans l'homéostasie et l'inflammation intestinale. Elles partagent diverses caractéristiques, notamment une sous-unité commune p40, un récepteur commun IL-12Rβ1 et des molécules de signalisation JAK-STAT qui dirigent les fonctions en aval.

    Les biothérapies inhibant soit la sous-unité p40 partagée de l'IL-12, soit la sous-unité p19 sélective de l'IL-23 sont validées dans le traitement des patients souffrant de la maladie de Crohn. Le choix de la biothérapie la plus efficace a suscité récemment un débat qui méritait d’être exploré dans une étude comparative, mais rien n’est simple en immunologie.

    Un essai comparatif randomisé « head-to-head »

    Dans l'essai clinique SEQUENCE, publié dans le New England Journal of Medicine, une équipe de chercheurs français a comparé l'efficacité et la sécurité du risankizumab (qui bloque l'IL-23 p19) à celles de l'ustékinumab (qui bloque l'IL-12 p40) chez des patients souffrant d’une maladie de Crohn résistante ou intolérante aux anti-TNF.

    L'essai clinique SEQUENCE montre que le risankizumab n’est pas inférieur à l'ustékinumab en termes de rémission clinique à 24 semaines (58,6 % contre 39,5 %) et est supérieur à l'ustékinumab en termes de rémission endoscopique à 48 semaines (31,8 % contre 16,2 %) chez les patients atteints de maladie de Crohn modérée à sévère ayant eu des effets secondaires inacceptables avec les anti-TNF ou une réponse inadéquate à cette biothérapie.

    Une limite de l'essai est qu'il était ouvert, ce qui peut introduire un biais, limité cependant par l'évaluation centralisée et en aveugle de l'endoscopie (evaluator-blind).

    Une immunologie complexe

    Les études précliniques ont montré que les cellules T auxiliaires (Th) 1 inflammatoires intestinales sont augmentées dans la maladie de Crohn et jouent un rôle dominant. L'IL-12 est impliquée dans la différenciation des cellules T en cellules Th1. Une biothérapie avec des anticorps monoclonaux neutralisants anti-IL-12 p40 chez des patients atteints de la maladie de Crohn a conduit à une réduction des cellules Th1 intestinales et de l'inflammation.

    Lorsque les chercheurs ont découvert que l'IL-12 p40 pouvait également s'associer à l'IL-23 p19 pour former l'IL-23, il est devenu nécessaire de réévaluer si les effets bénéfiques du blocage de l'IL-12 p40 sur l'inflammation intestinale étaient dus à l'IL-12, à l'IL-23, ou à une combinaison des deux. La maladie de Crohn impliquant une dysrégulation des cellules Th1 et Th17, beaucoup d'investigateurs ont émis l'hypothèse que la réduction de ces deux sous-ensembles de cellules inflammatoires en ciblant la sous-unité partagée IL-12 p40 entraînerait des résultats plus favorables. Diverses études précliniques ont soutenu ces conclusions, mais d'autres ont émis l’hypothèse que le blocage sélectif de l'IL-23 via l'IL-23 p19 conduirait à des résultats plus favorables, car ce blocage laisserait intacts les rôles essentiels et protecteurs des voies IL-12 et Th1.

    Les études précliniques ont montré que le blocage de l'IL-12 uniquement (via l'IL-12 p35) ne réduisait pas l'inflammation intestinale, soutenant un rôle sélectif de l'IL-23, bien que ce rôle n'exclue pas la coopération de l'IL-12 avec l'IL-23. Malgré le fait que l'IL-17 soit une cytokine clé produite par les cellules Th17 dépendantes de l'IL-23, le blocage sélectif de l'IL-17 n’est pas efficace et donne des résultats pires. Or, les études animales montrent que l'IL-17 n'est pas totalement absente lorsque l'IL-23 est bloquée, probablement en raison des sous-ensembles de cellules intestinales capables de produire de l'IL-17 indépendamment de l'IL-23.

    Tout ne serait pas blanc ou noir

    Dans un éditorial associé, il est rappelé que même s’il est tentant de conclure que le ciblage de l'IL-23 p19 est plus efficace que le ciblage de l'IL-12 p40 chez les patients atteints de la maladie de Crohn, des différences spécifiques entre les médicaments, telles que leur pénétration dans les tissus intestinaux, leur localisation au sein de ces tissus, leur affinité relative et leur efficacité inhibitrice pour leurs cibles, et leur association avec les cellules immunitaires, pourraient expliquer ces résultats. La supériorité du risankizumab dans l'essai SEQUENCE pourrait être en partie attribuée à un rôle biologique plus important de la voie IL-23 dans le sous-groupe de patients inclus dans cet essai.

    Des études précliniques ont montré que l'IL-12 et l'IL-23 peuvent jouer des rôles différents à différents moments, l'IL-12 jouant un rôle plus important au début de la maladie et l'IL-23 plus tard. Des essais cliniques supplémentaires comparant le risankizumab et l'ustékinumab dans différentes sous-populations de patients seront essentiels pour affiner les décisions thérapeutiques chez les patients atteints de la maladie de Crohn.

     

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