Rhumatologie

Douleurs-pièges : la douleur sous-malléolaire externe du syndrome du sinus du tarse

Une douleur de la face externe de l'arrière-pied, sous-malléolaire latérale, associée à une sensation d’instabilité à la marche sur terrain irrégulier, peut faire évoquer un « syndrome du sinus du tarse », surtout si elle survient dans les suites d’une entorse latérale du pied.

  • AndreyPopov/istock
  • 15 Mar 2022
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    Le syndrome du sinus du tarse, le plus souvent post-traumatique, se manifeste par des douleurs sous- et pré-malléolaires latérales, avec une impression d’instabilité douloureuse lors de la marche, notamment sur un terrain irrégulier ou lors du port de chaussures à talon haut (favorisant la pronation du pied).

    Le sinus du tarse est un tunnel osseux situé entre le talus (astragale) et le calcanéum. Il contient des ligaments intrinsèques indispensables à la stabilité de l’articulation talo-calcanéenne, et est probablement impliqué dans la proprioception.

    Une lésion traumatique de la cheville ou du pied (comme une entorse latérale de la cheville) ou une surutilisation (comme la station debout ou une marche répétitive) sont les principales causes de ce syndrome. Il peut également survenir si la personne a les pieds plats ou un pied en pronation (comme par exemple lors du port de chaussure à talon haut), 2 troubles statiques à l’origine d’une compression dans le sinus du tarse.

    Les dernières études décrivent cette entité comme étant principalement une instabilité anatomique de l'articulation sous-talienne avec des lésions ligamentaires qui entraînent une synovite et une infiltration de tissu fibrotique dans le sinus du tarse.

    Explication anatomique et mécanistique

    L'articulation entre l'astragale et le calcanéum, « l'articulation sous-talaire », comprend 3 facettes : une facette antérieure, une médiane et une postérieure. Selon des auteurs récents, une variation de l’anatomie de ces facettes pourrait affecter la stabilité de l'articulation sous-talaire et favoriser la survenue du syndrome du sinus du tarse.

    Le sinus du tarse est un tunnel osseux entre le talus et le calcanéum et dont l’orifice latéral s’ouvre largement en avant de la malléole latérale (orientation vers le haut), tandis que son orifice médial est étroit, situé derrière le sustentaculum tali : certains le décrivent comme un entonnoir avec une large ouverture latérale qui se situe approximativement 1 cm en avant et en dessous de la pointe de la malléole latérale. L

    e sinus du tarse est occupé par un ligament appelé « ligament talo-calcanéen inter-osseux », avec en avant le « ligament talo-calcanéen cervical ». Ce ligament talo-calcanéen inter-osseux se tend lors de la supination du pied et il se détend lors de la pronation. C’est la rupture de ces ligaments qui est responsable de l’instabilité.

    Certains auteurs ont suggéré que le sinus du tarse n'est pas seulement un espace articulaire talo-calcanéen mais également une source d'informations proprioceptives sur le mouvement du pied et de la cheville et que le syndrome du sinus du tarse peut aboutir à des troubles de la proprioception de l’arrière-pied.

    Causes du syndrome

    Le syndrome du sinus du tarse survient le plus souvent après une entorse latérale de la cheville, ou des entorses à répétition de la cheville, qui entraînent des lésions des ligaments talo-calcanéens interosseux et cervicaux. Ces ligaments intrinsèques du sinus du tarse peuvent ainsi être étirés ou déchirés : une inflammation et une hémorragie dans la cavité du sinus du tarse peuvent alors se produire. Ce serait le cas dans 70% des cas.

    Le syndrome du sinus du tarse peut également résulter d’une compression chez les personnes qui ont les pieds plats ou lors du port de chaussures à talon haut (qui mettent le pied en pronation). Cela provoque un contact osseux accentué entre le talus (astragale) et le calcanéum, avec une inflammation secondaire du sinus.

    Cette inflammation du sinus du tarse peut également être observée au cours des rhumatismes inflammatoires avec une inflammation isolée ou des lésions articulaires associées.

    Évoquer cliniquement le diagnostic

    La douleur est une douleur latérale du pied (antéro- et sous-malléolaire latérale), avec sensation d’instabilité à la marche. La douleur et l’instabilité surviennent à la position debout ou à la marche, en particulier sur un terrain irrégulier. La douleur est majorée en pronation et en inversion du pied. En cas d’origine post-traumatique, elle est associée à des lésions des ligaments latéraux qui peuvent masquer le syndrome et le clinicien ne doit pas faire ignorer une lésion traumatique associée : fracture du calcanéum ou ostéochondrite post-traumatique du dôme de l’astragale.

    L’examen des pieds est toujours comparatif afin de dépister une éventuelle laxité articulaire du talon en inversion-éversion, pouvant être responsable d’une instabilité. La palpation locale déclenche une douleur à la pression à 1 cm en dessous et en avant de la pointe de la malléole latérale, ainsi que lors des mouvements en flexion plantaire maximale et en inversion.

    La douleur peut être liée à la présence d’un épanchement au sein du sinus, avec une inflammation synoviale en cas de rhumatisme inflammatoire. Il est possible de réaliser un test diagnostic en injectant de la xylocaïne dans le sinus, du tarse par voie externe.

    Diagnostic étiologique

    Ce syndrome est le plus souvent secondaire à des lésions du ligament interosseux talo-calcanéen qui peut être lésé en cas de traumatismes ou micro-traumatismes, de pathologies inflammatoires rhumatismales ou dégénératives, ou en cas de troubles statiques du pied.

    Parmi les causes, l'instabilité sous-talienne reste une entité de diagnostic difficile. Elle est souvent consécutive à une entorse de cheville et parfois à un pied plat valgus. Elle se traduit par une instabilité de cheville associée à une douleur du sinus du tarse. La laxité articulaire est évaluée par rapport au côté opposé. Les radiographies en stress confirment parfois la laxité alors que l’IRM peut montrer les lésions ligamentaires responsables de la laxité.

    L'imagerie par résonance magnétique (IRM) est la meilleure méthode diagnostique puisqu’elle permet visualiser les structures à l'intérieur du sinus du tarse, en particulier les ligaments talo-calcanéens interosseux et cervicaux, ainsi que des modifications dégénératives éventuelles de l'articulation sous-talienne et des lésions associées.

    L’échographie peut objectiver la synovite, voire un kyste articulaire. Récemment, des études de la morphologie des surfaces articulaires en scanner 3D ont proposé les morphotypes articulaires instables. L'arthroscopie sous-talienne peut servir pour le diagnostic et le traitement du syndrome du sinus tarsien. D’autre préconisent l’utilisation du scanner couplé à la scintigraphie (SPECT/CT) dans les cas difficiles, en particulier pour mettre en évidence des anomalies type os surnuméraires…

    Traitement médical avant tout

    Le traitement repose sur le repos post-traumatique, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens et/ou les infiltrations de corticoïdes par un médecin entraîné, ou sous contrôle radiologique ou échographique.

    La rééducation peut permettre de stabiliser une instabilité modérée, ainsi que le port de chaussures adaptées avec tige haute. La stabilité articulaire repose sur des structures articulaires passives, des réponses musculaires dynamiques et un contrôle neurologique. Les programmes d'entraînement visant à améliorer la stabilité de l'articulation sous-talienne et la fonction des membres inférieurs seront la clé du traitement. Le programme de traitement du syndrome du sinus du tarse comprend un entraînement proprioceptif, un ré-entraînement de l'équilibre, des bandes et des attelles de contention, des exercices de renforcement musculaire et des orthèses plantaires de correction.

    Dans les cas les plus sévères ou les syndrome du sinus du tarse qui sont rebelles au traitement, une chirurgie spécialisée peut-être nécessaire. Le traitement chirurgical est efficace dans la plupart des cas, mais doit être envisagé en dernier recours après échec du traitement conservateur. Cela peut être une chirurgie ouverte ou une arthroscopie sous-talienne, qui donnent des résultats similaires. Les complications sont rares et les évaluations à long terme dans les petites séries sont bonnes.

     

    Bibliographie :

    Arshad Z et al. Current concepts in sinus tarsi syndrome: A scoping review. Foot Ankle Surg. 2021 Aug;27(6):615-621. 

    Achong DM. Unsuspected Accessory Ossicle in Possible Sinus Tarsi Syndrome: The Value of Bone SPECT/CT. Clin Nucl Med. 2020 Apr;45(4):e215-e216.

    Michels F et al. Does subtalar instability really exist? A systematic review. Foot Ankle Surg. 2020 Feb;26(2):119-127.

     

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