Cardiologie
HTA : les recommandations nutritionnelles préventives
La SFHTA a rédigé un ensemble de recommandations sur les mesures nutritionnelles préventives de l'HTA. Consommation de sel, de potassium, de calcium, de magnésium, de thé, café ou boissons énergisantes, tout est passé en revue pour un meilleur contrôle tensionnel.
- Nadiia Borovenko/iStock
On ne le rappellera jamais assez : les mesures hygiéno-diététiques ont une place prépondérante dans la prévention et la prise en charge des maladies chroniques. Et c’est particulièrement vrai pour l’hypertension artérielle (HTA) en permettant de diminuer la pression artérielle (PA) chez les sujets hypertendus en complément de leur traitement pharmacologique, mais aussi de retarder son apparition chez les personnes ayant une PA dans les valeurs hautes de la normale. Parmi ces mesures hygiéno-diététiques, l’alimentation tient une place importante.
La Société Française d‘HTA (SFHTA) a donc rédigé en décembre 2024 une mise au point sur les bénéfices tensionnels attendus des interventions nutritionnelles, ainsi que des recommandations et suggestions pour la pratique clinique.
Sodium et sel, en quantité raisonnable
La première recommandation concerne le sodium et le sel. Selon plusieurs études, un excès de sodium est responsable d’une hausse de la PA. La SFHTA nous rappelle que les besoins physiologiques nécessitent une quantité très faible d’apport alimentaires de sodium (Na) inférieur à 0,5 g (1,25 g de sel) par jour (A noter que 100 mmoles de sodium (Na) correspondent à 2,3 g de Na ou 5,8 g de chlorure de sodium (NaCl), appelé « sel » dans le langage courant).
Cependant l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a chiffré au niveau mondial une consommation moyenne de sodium à 4,3 gr par jour, soit 10, 8 gr de sel, soit un chiffre supérieur aux recommandations. Et pour appuyer cela, l’étude Esteban, menée par Santé Publique France en 2015, a estimé que la consommation moyenne de sel chez les adultes était de 9,2 g par jour chez les hommes et 7,1 g par jour chez les femmes. Et parmi eux, 32,1% des hommes et 8,7% des femmes étaient à plus de 10 g de sel par jour, et 11,9% des hommes et 30,7% des femmes à moins de 6 g de sel par jour (consommation estimée par des questionnaires alimentaires ou la natriurèse des 24h).
La SFHTA recommande une réduction des apports en sel idéalement en dessous de 5 g par jour (soit 85-90 mmoles de sodium). Mais elle insiste sur le fait que même si ce seuil est dépassé, toute modification de l’alimentation visant à réduire les apports sodés est bénéfique chez les patients présentant une HTA. Ce seuil recommandé de 5 g de sel par jour est plus strict que celui qui avait été retenu par la SFHTA et la HAS en 2016, à savoir un seuil de 6 à 8 g de sel par jour.
En pratique, la SFHTA précise que la réduction du sel en préparation ou en assaisonnement est en général insuffisante pour réduire les apports sodés, puisque cela ne représente en moyenne que 20 % des apports totaux en France. Il est donc recommandé de limiter également la consommation de produits transformés riches en sel et couramment consommés tels que pain, fromage, charcuterie, de plats culinaires industriels et ultra-transformés (plats cuisinés surgelés, en conserve, sauce, pizza…) riches en sel « caché » et en additifs, et de composition nutritionnelle médiocre. Les herbe aromatiques, les épices, le jus de citron ou encore l’ail sont de bons substituts au sel de table.
Le potassium, en bonne quantité
Pour le potassium (K), la SFHTA nous rappelle qu’au contraire du sodium, il existe une relation inverse entre la kaliurèse, reflet de des apports de K, et le niveau de PA. Le rôle bénéfique du potassium a été prouvé par plusieurs études.
En pratique, la SFHTA recommande des apports alimentaires en potassium d’au moins 3,5 g (90 mmoles) par jour, en priorisant l’augmentation des apports en potassium à partir de l’alimentation (par rapport aux comprimés de KCl et aux sels enrichis en potassium qui peuvent s’avérer à risque).
Elle conseille, puisque les minéraux, dont le potassium, sont présents dans de nombreux aliments d’origine végétale, de consommer :
- Au moins 5 fruits et légumes/jour (de préférence 3 portions de légumes et 2 de fruits), soit environ 500 g de végétaux par jour. Les fruits sont à consommer non transformés, en particulier la consommation de fruits ne doit pas être remplacée par la consommation de jus de fruits.
- Des légumes secs : au moins 2 fois /semaine
- Des produits céréaliers complets : au moins 1 fois /jour
- Des Fruits à coque natures : 1 petite poignée /jour.
Il est nécessaire de privilégier les légumes frais ou surgelés non cuisinés, dont la teneur en sel est moindre que dans les légumes en conserve. Les cuissons vapeur, en autocuiseur, au micro-ondes, à l’étouffée ou au four limitent la perte potassique dans l’eau de cuisson. Ces recommandations, proches de celles du régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension) ou d’une alimentation de style méditerranéen, sont à nuancer et à individualiser suivant les pathologies et les résultats des analyses biologiques des patients (insuffisance rénale, hyperkaliémie, lithiases rénales…).
Les fibres, en quantité importante
L’action des fibres sur l’HTA est indirecte. En effet, l’augmentation de leur consommation améliore la sensation de satiété, contribue à régulariser le transit, stimule la fermentation colique, diminue l’absorption des graisses et ralentit celle des glucides. Ce qui va ainsi diminuer le risque d’HTA.
Les recommandations de la SFHTA vont vers des apports journaliers en fibres d’au moins 25 g/jour, et même supérieurs à 30 g/jour, grâce à la consommation de légumineuses, fruits à coques, céréales complètes et fruits et légumes.
Calcium, magnésium et vitamine D, en quantité suffisante
En raison de leur faible influence sur la tension artérielle, la plupart des recommandations concernant l’HTA n’évoque ni le calcium, ni le magnésium, ni la vitamine D en dehors des préconisation de régime équilibré.
La SFHTA conseille donc d’optimiser les apports en calcium (de l’ordre de 900 mg à 1200 mg selon l’âge), magnésium et vitamine D conformément aux recommandations en population générale principalement par la promotion d’une alimentation équilibrée.
L’alcool, à risque
La consommation même minime d’alcool constitue un facteur de risque majeur d’HTA, mais aussi d’AVC, d’insuffisance cardiaque, de coronaropathies, de cancer et de bien d’autres pathologies.
La SFHTA considère donc que, dans l’idéal, il ne faudrait pas consommer d’alcool du tout. L’abstinence est donc la règle. Mais en cas de consommation, il ne faut pas dépasser 2 verres (soit 20 grammes d’alcool) par jour ou 1 verre pour les femmes et les hommes de faible corpulence (soit 10 g d’alcool), et pas tous les jours (moins de 10 verres par semaine. Le binge drinking (ou beuverie express ou hyperalcoolisation rapide) doit bien sûr être évité.
La réglisse, un ennemi caché
L’acide glycyrrhizique est le composant le plus abondant de la racine de réglisse. Il est métabolisé par le microbiote intestinal en acide 3β-monoglucuronyl-18β-glycyrrhétinique (A3MG) qui est un inhibiteur de l’enzyme 11-bêtahydroxystéroide-déshydrogénase (11βHDS2). Or l’inhibition de la 11βHDS2 permet au cortisol d’activer le récepteur minéralocorticoïde et entraine alors un tableau de pseudohyperaldostéronisme, donc une HTA hypokaliémique avec des valeurs de rénine et d’aldostérone basses. Et attention, l’effet pharmacologique persiste au moins deux semaines après l’ingestion de réglisse
La SFHTA met en garde contre toute consommation d’aliment ou de boisson contenant de la réglisse, qui doit être prudente et limitée dans le temps. Selon elle, il faut sensibiliser les soignants et les médecins à la nécessité d’interroger systématiquement leurs patients sur la consommation de réglisse sous ses diverses formes.
La vigilance est de mise puisque la réglisse est présente dans de nombreux aliments, de manière évidente dans des confiseries à la réglisse, mais également dans certains pastis avec ou sans alcool, dans de nombreuses tisanes, dans certaines bières artisanales... Elle est utilisée pour son pouvoir sucrant dans des snacks, chewing-gums, glaces, ou encore dans des compléments alimentaires.
Café, thé et boissons diverses et énergisantes, à réguler
En aigu, la caféine, contenue dans le café et le thé, a un effet stimulant. Sa consommation aiderait à accroitre la vigilance mais elle entraine également une tachycardie et une augmentation transitoire de la pression artérielle.
A ce titre, la SFHTA propose de ne pas limiter la consommation de café et thé, tant que celle-ci reste modérée, inférieure à 3 à 4 tasses par jour.
Dans son argumentaire, la SFHTA précise que la consommation de certains jus de fruits riches en nitrates (jus de betterave ou de grenade par exemple) parfois encouragée par certaines recommandations voit son bénéfice éventuel à nuancer en raison d’un contenu souvent élevé en sucres. Il est donc nécessaire d’être prudent.
Par mesure de prudence, en raison de leur contenu en caféine et de leur possible association avec l’alcool, il est recommandé d’éviter les boissons énergisantes.
Le poids, à surveiller
Le lien entre surpoids ou obésité et HTA est reconnu. C’’est pourquoi toutes les recommandations sur l’HTA préconisent une perte de poids chez les personnes en surpoids ou obèses. La baisse tensionnelle attendue est de l’ordre de 1 mmHg par Kg.
La SFHTA recommande une prise en charge précoce et pluridisciplinaire (diététicien-nutritionniste, médecin, psychologue, praticien formé aux techniques d’entretien motivationnel, kinésithérapeute etc.) et coordonnée entre la ville et l’hôpital. Attention toutefois aux régimes amaigrissants restrictifs et trop hypocaloriques, ou des régimes déséquilibrés, délétères sur le long terme et souvent néfastes sur la santé physique et psychique du patient.