Cardiologie
HTA, AVC : réduire le sel avec un substitut est efficace et sans risque
Deux nouvelles études démontrent que des politiques de réduction du sodium dans l’alimentation grâce à l’utilisation de substituts au sel (enrichis en potassium) réduisent significativement la pression artérielle, les récidives d’AVC et la mortalité, sans majorer les risques.
- ViliamM/istock
Depuis plus de vingt ans, la relation entre l’excès de sodium alimentaire et l’élévation du risque cardiovasculaire s’est progressivement imposée. Mais les risques potentiels associé à l’utilisation de substitut du sel riches en potassium freinait le développement de cette stratégie. Deux études publiées dans JAMA Cardiology semblent marquer un véritable tournant : l’accumulation des données en faveur de cette stratégie atteint un seuil à partir duquel le changement devient inévitable.
La première étude, réalisée en Afrique du Sud (cohorte HAALSI), observe une réduction moyenne de 0,22 g de sodium excrété par 24 heures chez des adultes âgés de 40 ans et plus, quatre à sept ans après la mise en place d’une loi imposant une diminution de la teneur en sel dans certains aliments transformés. Cette baisse s’accompagne d’une diminution significative de la pression artérielle, permettant notamment de doubler la proportion de personnes atteignant l’objectif de moins de 2 g de sodium par jour (7 % à 17 %).
La seconde étude, portant sur plus de 15 000 patients avec antécédent d’AVC dans le nord-est de la Chine, démontre qu’un sel substitué (75% chlorure de sodium, 25% chlorure de potassium) réduit de 14% le risque de récidive d’AVC et diminue la mortalité globale de 12% sur cinq ans. De surcroît, aucune hausse notable d’hyperkaliémie ou d’arythmies n’a été relevée dans le groupe utilisant le sel substitué.
Impact particulièrement marqué chez les personnes qui consommait le plus de sel
Les analyses de sous-groupes soulignent que l’impact sur la pression artérielle est particulièrement marqué chez les patients qui avaient initialement une consommation de sel élevée. Dans l’étude chinoise (SSaSS), la réduction de la pression systolique est d’environ 2 mm Hg, avec un bénéfice plus marqué encore sur la prévention des AVC hémorragiques (diminution relative de 30 %). Malgré un contexte souvent plus complexe (patients parfois atteints de diabète ou sous traitements antihypertenseurs comme les IEC), les auteurs n’observent pas d’augmentation d’événements indésirables graves, notamment en lien avec la kaliémie, car les apports en potassium restent en dessous des euils recommandés.
Quant à l’étude sud-africaine, elle confirme l’idée qu’une intervention législative, plutôt que de simples recommandations volontaires, peut avoir un effet tangible sur la diminution du sodium alimentaire dans une population où la majorité du sel est « non discrétionnaire » (inclus d’emblée dans les aliments transformés). À l’inverse, le bénéfice des substituts enrichis en potassium s’avère particulièrement efficace dans les zones rurales du nord de la Chine, où l’essentiel du sel est ajouté au cours de la préparation des repas à domicile.
Une étude de cohorte et une étude randomisée
Les données sud-africaines reposent sur une étude de cohorte observationnelle (HAALSI) menée de 2014 à 2022, avec mesure répétée de la natriurèse (équation INTERSALT) et suivi longitudinal de la pression artérielle. L’intervention chinoise (SSaSS) est un essai clinique randomisé en cluster, impliquant 600 villages, où chaque patient était assigné à un groupe sel standard ou sel substitué. Cette approche méthodologique renforce la validité externe des résultats, couvrant à la fois la prévention dite « primaire » (réduction du risque dans la population générale) et la prévention « secondaire » (diminution des récidives d’AVC).
Selon les auteurs de ces deux études et un éditorial associé, ces conclusions plaident pour une intensification des politiques de santé visant à limiter la teneur en sodium dans les aliments transformés, tout en favorisant l’accès à des sels enrichis en potassium. Sur le plan clinique, la sensibilisation des patients à ces mesures apparaît cruciale, notamment pour ceux en prévention secondaire après un premier événement cérébrovasculaire.
Les questionnements persistants sur la part de bénéfice liée à l’augmentation du potassium versus la diminution du sodium ne doivent pas retarder leur mise en œuvre, surtout que les risques potentiels (hyperkaliémie, troubles du rythme) semblent rester rares et maîtrisables. Les prochaines études devront explorer l’acceptabilité et l’impact économique de ces solutions, ainsi que l’optimisation de la législation pour garantir une adoption plus large. Au vu des bénéfices observés, ces résultats pourraient bien constituer, à l’échelle mondiale, ce tournant accélérant la prise de mesures coercitives ou incitatives pour abaisser durablement l’apport en sodium et, in fine, réduire la morbi-mortalité cardiovasculaire.