Psychologie
Patriarcat : les normes de masculinité sont liées à un risque accru de suicide
Les hommes ayant le plus de risque de se suicider sont ceux qui essaient de se conforter aux normes sociales traditionnelles de la masculinité, comme la non-exposition de la vulnérabilité ou la maîtrise exacerbée des émotions.
Il y a plus de suicides chez les hommes que chez les femmes. En effet, en 2017, il y a eu 6.167 chez les premières, contre 2.047 au sein de la population féminine française, selon le site du numéro national de prévention du suicide, le 3114. Si les hommes sont plus concernés, tous ne courent pas le même risque.
Pression sociale à être un homme et suicide
Différents facteurs peuvent amener un individu à penser au suicide. Mais, pour expliquer cette différence entre les sexes, des chercheurs de l'Université de Zurich, en Suisse, ont étudié un critère en particulier : les normes sociales traditionnelles de la masculinité. Leur étude vient d’être publiée dans la revue Heliyon.
Les chercheurs ont d’abord voulu identifié cette pression sociale à être un homme, au sens traditionnel et patriarcal du terme. Autrement dit : ne pas montrer sa vulnérabilité ou ses émotions, l'indépendance, etc. “Dans notre étude, nous avons voulu analyser de plus près quels aspects de ces idéologies jouent un rôle dans le risque de suicide”, explique Andreas Walther, l’un des auteurs, dans un communiqué.
Pour cela, les chercheurs ont étudié les réponses aux questionnaires de près de 500 hommes. Ceux-ci concernaient les symptômes de dépression, la conformité aux idéologies masculines traditionnelles et les pensées et les comportements suicidaires. Parmi les participants, 13 % avaient déjà tenté de se suicider.
Le risque de suicide plus élevé chez les stoïques
En fonction de ces informations, les 500 hommes ont été classés en trois groupes :
- Les égalitaristes, qui représentent 60 % des participants et pour lesquels la conformité aux idéologies masculines traditionnelles n’est pas importante.
- Les joueurs, 15 % des participants, qui ont une image de la masculinité patriarcale mais surtout d’un point de vue sexuel : ils veulent être perçus comme hétérosexuels et avoir de nombreuses partenaires sexuelles.
- Les stoïques, 25 % des hommes de l’étude et surtout composés de jeunes, qui se conforment fortement aux normes traditionnelles sur des facteurs tels que le contrôle de leurs émotions, l'indépendance et la prise de risques, par exemple en conduisant vite ou en pratiquant des sports extrêmes. L’aspect sexuel n'est pas important.
Résultat : ceux qui ont le plus grand risque de tentative de suicide sont les stoïques, plus de deux fois plus important que chez les égalitaristes. En revanche, le risque n'était pas significativement accru pour les joueurs.
“Dans les situations stressantes ou en cas de crise de santé mentale, les attitudes des stoïques constituent une combinaison très problématique, souligne Lukas Eggenberger, l’un des auteurs. Ils se disent : 'Je ne peux pas montrer mes sentiments et je dois résoudre mes problèmes moi-même.' Associée à la forte propension au risque typique des stoïciens, cette tendance peut engendrer une sorte de vision tunnel, et le suicide semble parfois être la seule issue possible”.
Les auteurs préconisent donc de renforcer la prévention du suicide, en déployant des interventions spécifiquement adaptées aux stoïciens, en sensibilisant davantage les professionnels de santé à ce type de profil.